
« Tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se brise », Molière, Dom Juan ou le festin de pierre, Acte V, scène 2
Les cruches, les bonbonnes, tout est bon pour récolter l’eau. Elles ne sont pas en terre mais en plastique ; des bleues, des jaunes, des rouges, des vertes, des oranges. On ne trouve que ce modèle. Les jarres des temps modernes, un modèle national ! Incassable !
Chennai a subi ces dernières années depuis 2016 d’inquiétantes pénuries d’eau. Les coupures ont été nombreuses, les prix ont flambé ! On se rue sur les camions. Les conducteurs de rickshaws saisissent l’occasion de se laver sous les robinets qui laissent échapper de petits filets d’eau … rien ne se perd, tout profite. Aucun gâchis !
Ici, en Inde, et plus particulièrement à Chennai, il y a de l’eau … et parfois, il n’y en a plus !
Parce que l’eau coule des canalisations à nos robinets … puis se tarit.
Ici, en Inde, l’eau est autant une chance qu’un problème. On est entre deux eaux !
Parce qu’il y a de l’eau et que l’on ne peut pas la boire.
L’eau devient donc une affaire d’argent qui touche la plupart des Indiens et surtout les plus démunis. Mais que vaut l’eau ?
Les gens aisés, eux, nous, ne s’en préoccupent même pas. En ont-ils même conscience ? Car dans les immeubles d’habitations d‘un certain standing, dans les ‘bons quartiers’, il y a de grands réservoirs d’eau sur les toits. En cas de coupure d’eau, un système de pompage prend la relève. On ne se rend même pas compte de la coupure momentanée. Notre petit immeuble de 6 appartements en est doté.

A l’hôtel Savera, quasiment un soir sur deux, un camion citerne venait alimenter les réservoirs de l’hôtel. Au cas où … Mais, Jésus nous apporte l’eau !
J’ai vu, à plusieurs reprises, des camions citernes circuler dans la ville. J’ai naïvement pensé qu’il s’agissait de transport d’eau pour alimenter les châteaux d’eau. Mon résonnement était inversé et archi-faux !

J’ai vu, lors d’embouteillages, justement créés par ces camions citernes, stationnés sur le bas-côté de la route, en pleine ville, non loin du centre-ville, aux abords de ruelles, souvent en terre battue, cabossées et défoncées, ces portions de quartiers défavorisés, des gens accourir par grappes avec leurs cruches de 20 litres, afin de récolter leur ration d’eau.
Puis, servis, ils repartaient, qui portant la cruche sur l’épaule, qui la transportant sur un vélo, qui les entreposant sur des vélos à plateforme, s’engouffrant dans les ruelles afin de les distribuer à chaque foyer.
A quoi revient la ration d’eau quotidienne par personne dans un foyer ? Comment cette population consomme-t-elle son eau ? La fait-elle bouillir avant de la boire ?
Un récent rapport paru dans un journal national, indiquait que pour Chennai, 9 des 13 critères n’étaient pas atteints et que l’eau était donc impropre à la consommation ! Effrayant ! Pour Delhi, c’est encore pire ! De mémoire, c’est 11 sur 13. La seule ville qui sort du lot est Mumbai.
En ce qui nous concerne, il nous a fallu s’adapter à cette nouvelle situation. La cuisine est équipée d’un purificateur d’eau que nous utilisons pour laver les fruits et les légumes. Malgré tout, un trempage dans de l’eau vinaigrée ou du bicarbonate de soude s’impose. Cette eau sert également à la cuisson. Enfin, nous nous brossons les dents avec de l’eau purifiée, que l’on peut mettre en bouche, et nous buvons notre thé avec de l’eau purifiée bouillie électriquement … Quelle histoire !
Nous avons investi dans une fontaine à eau à boire. Oh ! Ce n’est pas de l’eau minérale mais de l’eau purifiée buvable (drinking water contrairement à purified water). Aquafina – groupe appartenant à Pepsi – nous livrera nos premières bonbonnes dès que nous les appellerons. Cette fontaine à eau, grande découverte, nous permet de boire de l’eau fraîche, à température ambiante ou même permet d’avoir de l’eau bouillante. Un petit compartiment réfrigéré permet le stockage de canettes. Gadget !
Le magasin Cromä est un peu notre
Boulanger ou Darty local !Bisleri vient du supermarché Amma Naana.
On ne met pas tous ses oeufs
dans le même panier …Sauf qu’en ce moment, K. Vasu est en voyage …
En plus de cela, nous achetons des bouteilles de 50 cl qu’Éric emmène au travail ou que l’on peut mettre dans sa besace lorsque l’on sort en ville. Nous achetons enfin des bouteilles d’eau minérale de 1 litre, « Himalayan », eau descendue ‘tout direct’ de la chaîne de montagnes de l’Himalaya, que l’on ne trouve pas dans tous les supermarchés. Cette eau est chère, toutes proportions gardées. C’est le prix d’une bouteille de 1,5 litre de Cristalline ! Nous pourrions la boire, pour s’en délecter, avec une paille en papier carton comme on en trouve partout dans les cafés bars ; à la pointe de l’écologie les Indiens ! Tiens donc !
En fait, l’eau courante ne sert qu’à laver la vaisselle et à se laver. C’est déjà beaucoup ! Côté eau chaude, chaque salle de douche est équipée d’un petit chauffe-eau. Très bien. Confortable et agréable. Par contre, il n’y en a pas dans la cuisine. Nous pataugeons donc à l’eau froide. Cherchez l’erreur ! Les gens s’en moquent un peu puisque, en général, ce sont les maids qui font la vaisselle … Pas chez nous ! Mais fort heureusement, et contrairement à ce que nous avons pu entendre ici et là, notre lave-linge produit de l’eau chaude et nous pouvons laver à différentes températures. Quel luxe !
J’ouvre une petite parenthèse concernant les coupures. L’un des critères que nous nous étions fixé était le 100% back up. L’immeuble est équipé d’un générateur électrique qui prend le relais à tout moment lorsqu’il y a des coupures d’électricité. Ainsi, ni le réfrigérateur, ni les airs conditionnés, ni les ventilateurs et les lumières ne seront à l’arrêt en cas de panne. Jamais de black out !
A tout bien considérer, nous ne sommes pas à plaindre !