Entre septembre et novembre, le temps est changeant, l’air est gorgé d’eau et d’humidité. Il fait certes un peu moins chaud, mais le ressenti est assez désagréable. On transpire, on ruisselle, je suis trempé toute la journée.

Les journées sont grises, sans soleil et, en fin d’après-midi, le ciel se charge de gros nuages gris virant au noir, sombres et menaçants. Le vent se lève tout-à-coup, les portes-fenêtres claquent bruyamment, ce qui me fait sursauter à chaque fois. Il traverse l’appartement et s’engouffre partout. C’est assez excitant. On dit que le foehn, ce vent chaud et sec, puisqu’il s’agit de cela, peut rendre fou. La légende dit aussi qu’en Bavière, celui qui commet un crime passionnel pendant le foehn bénéficiera de circonstances atténuantes. Et un dicton paysan allemand : « Un valet d’étable rendu fou par le foehn ira tuer le coq-girouette ».
L’imminence de la mousson menace tout d’abord par le silence. Plus de cris d’oiseaux, de bruits de klaxons, de pétarades de moteur de rickshaws, d’éclats de voix. Soudain, la pluie verse à seaux. Les grosses gouttes frappent tout ce qu’elles rencontrent en un bruit assourdissant, l’asphalte, les carrosseries des véhicules, les toits en tôles ondulées, s’écrasant, éclatant, se fracassant. L’orage tonne et les éclairs s’enchaînent. Les Chennaïtes y sont habitués et vaquent comme si de rien n’était. A pied, ils se pressent à peine. La circulation est ralentie. A moto, sans protection de pluie, certains roulent en tenant un parapluie d’une main ; les vêtements sècheront vite, les pieds dans des sandales ou des tongs ne craignent pas les éclaboussures et la boue sera bien vite nettoyée.
Cette saison nous surprend parce que nous n’en avons pas sous nos tropiques. Elle fait souvent partie du « pack- voyageur » quand on est touriste. On aime être surpris par l’eau qui s’engouffre et stagne dans les ruelles et les anfractuosités des routes, excité à l’idée de la voir monter rapidement, à moitié dégoûté de voir, et même d’imaginer, tout ce que ces eaux charrient, écœuré lorsqu’on doit y tremper ses pieds pour traverser une rue ou encore dubitatif lorsque les enfants s’y baignent comme dans une piscine.
On parle des moussons plutôt que de la mousson. Cette saison n’est pas uniforme au-dessus de ce vaste pays. Car il y a une mousson d’été, dite montante entre le 1er juin et le 15 juillet, selon les régions, et une mousson d’hiver, dite descendante entre le 1er septembre et le 15 octobre. Cependant les précipitations augmentent jusqu’en novembre voire mi-décembre. Les pluies sont certes moins abondantes mais l’état du Tamil Nadu, par exemple, reçoit tout de même 50 à 60% de sa pluviosité annuelle durant cette mousson. En tout état de cause, elles ont un fort impact sur l’économie agricole. Les cultures du riz, du coton, des ‘huiles alimentaires’, du mil, du maïs, pour les plus importantes, demandent beaucoup d’eau. On les appelle les cultures des moussons (kharif) car elles sont semées et récoltées pendant la saison des pluies. Les cultures du blé, d’orge, de moutarde, du sésame et des pois sont semées en hiver et récoltées au printemps. Ce sont les cultures rabi.
Et si les températures baissent, que le taux d’ensoleillement est légèrement moindre mais proche des 10 heures quotidiennes, le taux d’humidité croît pour se fixer autour de 75% en octobre. Vous comprendrez aisément ce que je notais plus haut ; on transpire, on ruisselle, on mouille !

Ainsi, pour celles et ceux désireux de nous rendre visite, la meilleure période s’établit entre décembre et fin février, car le mois de mars marque le début de la saison chaude.

Il est 3 heures du matin lorsque je me réveille brusquement après un coup de tonnerre assourdissant. Les roulements et grondements se succèdent. Par les interstices des rideaux qui plongent normalement la chambre dans la pénombre, les éclairs s’infiltrent et illuminent de courts instants, l’obscurité douillette de la nuit.
Depuis notre balcon
Éric bouge à côté de moi, gêné sans doute par le bruit, comme s’il faisait un mauvais rêve. Il semble dormir. Je me lève, me dirige doucement, encore tout endormi, vers la fenêtre de la salle, éclairée comme à l’aube. Nu devant la fenêtre, j’apprécie à cet instant cette liberté hors du regard du voisinage. Le tonnerre ne faiblit pas, les éclairs déchirent un ciel gris métallisé, projetant une lumière stroboscopique, aveuglant mes yeux endormis. Le vent souffle fort et n’a pas de pitié pour les arbres alentours dont les faîtes balancent à un rythme effréné, faisant claquer les feuillages.

Pour la première fois, l’eau de pluie a éclaboussé les vitres des fenêtres, les balcons sont mouillés et les plantes détrempées. Au petit matin, les pots regorgent d’eau et quelques branches fines ont ployé.
Soudain, je sursaute. Fantomatique, Éric est apparu et se tient à côté de moi. Je ne l’avais pas entendu venir. Proche l’un de l’autre, nous regardons, hébétés, ce que nous voyons pour la première fois, peut-être de toute notre vie.
Il pleut fort, en continu, longtemps. Il pleuvra encore toute la matinée et ce déluge est tellement impressionnant que les autorités locales et le consulat général de France enverront des messages appelant à la prudence en cas de sortie.
Et justement, je demande à Bala de m’emmener faire un tour en ville pour me rendre compte de mes propres yeux. Comme je l’imaginais, les eaux de pluie ne s’écoulent pas rapidement à travers les bouches d’égout. C’est aussi sans compter les obstacles qui les obstruent : détritus sauvages, conteneurs poubelles débordants, monticules de terre, de pierres des différents travaux de voiries, des chantiers en cours, à l’arrêt. Les installations sont manifestement insuffisantes. D’énormes flaques d’eau submergent les voies de circulation, s’insinuent dans les ruelles, les transformant en rivière, à la limite des pas de portes parfois protégés par des sacs de sable. Résignés, habitués, des piétons, en tongs ou pieds nus, marchent dans ces flaques, leurs pieds disparaissant sous l’eau. Les agents de la circulation ne sont pas en reste. Ils tentent, comme ils peuvent pour montrer leur autorité, avec force gesticulations, de maîtriser le flot hectique. Ils portent le képi planté par-dessus la capuche du long imperméable brun, sandales et bas de pantalon retroussé. Cette vision de la ville et des gens me ravit.

Sur le chemin du retour, je demande à Bala de m’arrêter chez Higginthams bookstore, j’ai enjambé les sacs de sable, les pieds au sec avant de pénétrer dans la librairie et ai acheté un livre de cuisine du Tamil Nadu.

En fin de matinée, la pluie avait stoppé laissant un ciel gris délavé. La grisaille était restée tout l’après-midi mais le lendemain, une journée chaude et ensoleillée a vite fait oublier tout cela.

J’ai le même !
Moi aussi j’ai vécu une mousson sans pareil à Bangkok et j’ai mis le pied dans un grand trou dans la chaussée. Nous avions même dû descendre du taxi car l’eau montait et que son moteur s’etait noyé !
Vive la mousson !
ici, elle est plutôt morose notre saison des pluies.
Gros bisous confinés au sec à vous qui transpirez.
Patricia
Coucou Patricia,
Quel plaisir de te retrouver parmi les commentateurs ! Mais tu as le même quoi ? Parapluie ? Je comprends bien la morosité ambiante. C’est un peu partout la même chose, mais les petits extras sont toujours bon à prendre et à vivre.
Portez vous bien and soyez prudents !
Gros bisous de nous deux, l’un confiné, l’autre au bureau.
Xtian&Éric
yes ! the same umbrella ! Un peu de gaieté et de gayté dans ce monde de brutes ! AHHHHHHH
Hello ,
J’aime ce ciel menaçant et noir de la 1ère photo de l’article et comme on dit… l’eau c’est la vie !
Prenez soin de vous
Je vous kisssssssssss
Syl
Hey Sis, tu n’avais pas à t’inquiéter pour tes commentaires. Ils apparaissent lorsque je les ai lus et … approuvés !!! Nous étions en vacances donc le blog était en attente. Voilà c’est fait ! Je t’embrasse
Voilà, Sis, j’ai lu et répondu à tous tes commentaires. J’aime aussi beaucoup la photo prise de nos fenêtres. Lorsqu’il pleut, c’est impressionnant !
Je t’embrasse