3ème chronique goanaise

Caricature de Mario, artiste emblématique de la ville

Goa, l’Indo-portugaise 

Panjim : Nous avions choisi et réservé une chambre au Panjim Inn WelcomHeritage, l’une des plus belles demeures indo-portugaises de la capitale. Nous avons rencontré le propriétaire, descendant direct de Portugais qui a su mettre en valeur son hôtel, participant ainsi au charme de la ville. Si le trajet de deux heures de Mandrem à Panjim a été éprouvant et fatigant, l’arrivée fut un soulagement. La construction d’un pont autoroutier reliant Goa à Mumbai coupait les abords de la ville en une profonde cicatrice, créant de forts ralentissements et des chaos dus à la chaussée déformée. Mais à l’accueil, le charme d’Abdullah nous a conquis ; la beauté de sa jeunesse, son sourire au-dessous de sa moustache, sa douceur teintée de nonchalance, sa disponibilité et son efficacité personnelles et attentionnées, tout en lui nous a enchantés. 

Notre hôtel

Nous n’avons pas non plus regretté de séjourner au cœur de la vieille ville, dans le quartier de Fontainhas, là où se concentrent toutes les maisons de style et que nous étions impatients de visiter. À nous la découverte du patrimoine local ! L’agence Soul nous a plongés dans le bain que nous attendions. Le « Guide du routard » indique qu’une halte d’une journée dans ce qui évoque Lisbonne suffit. L’enchère augmente avec « Lonely Planet » qui recommande d’y passer deux jours. C’est exagéré dans tous les cas : nous y sommes restés six nuits et nous ne le regrettons pas.

Panaji, à l’embouchure du fleuve Mandovi, est composée de trois quartiers principaux : Fontainhas, Sao Tomé et Altinho. Dans ces quartiers, les églises et les demeures portugaises se côtoient en un chatoiement de couleurs ocre, jaune, vert, rouge, pourpre, aux toits de tuiles rouges surmontés du coq emblématique du Portugal et aux balcons en fer forgé. Les unes sont merveilleusement restaurées, beaucoup d’autres sont décaties. Mais le charme opère.

Il faut savoir que dès le XVIème siècle, il était obligatoire de repeindre les façades des maisons à Noël. Cette tradition perdure et l’on peut voir ainsi des maisons fraîchement repeintes de ces belles couleurs, pour certaines avec des pigments naturels. Çà et là, les églises baroques s’élèvent dans une blancheur éblouissante. Comme à Pondichéry, les bougainvillées égaient les façades ensoleillées.

En bas à droite, remarquez les deux ouvriers qui repeignent le mur d’enceinte.

Au départ de la poste centrale, cœur historique de la ville, là où ne reste plus que l’unique petit buste en bronze d’un gouverneur portugais, alors que toutes les effigies de l’époque de la colonisation ont été déboulonnées, détruites et remplacées par les symboles montrant la puissance et la suprématie de l’Inde – le lion à trois têtes posé sur une fleur de lotus – nous avons suivi notre guide dans le dédale des ruelles pendant plus de deux heures. Une restauration rapide à la pâtisserie portugaise dans la Rua 31 de Janeiro nous a ragaillardis.

Par cette journée harassante, écrasés par la chaleur, nous regrettions presque la plage. Mais nous en voulions plus, déambuler dans les ruelles, découvrir des petits cafés où boire de la bière locale et du feni, eau de vie de noix de cajou, fruit de l’anacardier et qui est un must à Goa. Il peut être aromatisé d’herbes ou d’épices : cannelle, citronnelle, massala, clou de girofle, anis étoilé… Nous voulions aussi manger de bonnes choses dans de petits restaurants cachés dans les venelles ou au contraire découvrir la gastronomie locale aux accents portugais dans des endroits réputés : du « Viva Panjim » sur une petite table en terrasse au « Fisherman’s Wharf» le 25 décembre avec musique live invitant à danser. Nous avons tout expérimenté, y compris le five o’clock tea au « Café Bodega », très belle maison coffee-shop-musée à Altinho, près de l’archevêché.

Velha Goa : La ville-musée à ciel ouvert, classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, se situe à 10 km de Panjim. Ce qui fut la « nouvelle Lisbonne » ou la « Rome de l’Orient », capitale du commerce entre l’Europe et l’Orient, conquise par les Portugais en 1510, sera abandonnée, sa population en grande partie décimée par le choléra et la malaria au XVIIème siècle, ne laissant la place qu’à des églises, une basilique et des couvents vides. Les maisons seront démontées et les matériaux récupérés pour reconstruire ailleurs. Ailleurs étant la nouvelle capitale, Panaji. Par une forte chaleur de début d’après-midi, nous avons affronté la foule de visiteurs indiens faisant la queue pour entrer dans ces lieux saints.

La cathédrale de Santa Catarina (Se Cathedral) est la plus vaste de toute l’Asie. La Basilica do Bom Jesus renferme le tombeau de saint François Xavier, « l’apôtre des Indes » que nous avons entr’aperçu dans son cercueil de verre. Sa dépouille non momifiée est en parfait état de conservation, ce qui ajoute au mystère. L’église San Cajetan est inspirée de la basilique de Rome. Et il y a aussi Santa Monica (non, pas à Los Angeles !), l’église de Notre-Dame-du-Rosaire, Notre-Dame-du-Mont et le couvent des Sœurs pour ne citer que ceux-là.

En une journée et toujours à pieds, nous avons visité une dizaine de ces lieux chrétiens. Seul regret, le musée archéologique était fermé ce jour-là. Comme à Lourdes, les vendeurs de rues le long des grilles de la basilique proposent aux passants glaces, idoles en plastique, bougies, écharpes et chapeaux pour se protéger du soleil dans la longue file avant le contrôle sanitaire. Les consignes sont strictes ; pas de couvre-chef ni de lunettes de soleil dans l’enceinte de la basilique. Assise par terre avec ses trois enfants autour d’elle, une jeune femme demandait l’aumône la main tendue. Chez le glacier le plus proche, nous lui avons acheté quatre esquimaux au chocolat. Les enfants seraient-ils heureux de ce plaisir rafraîchissant et éphémère ? Nous ne l’avons pas su. La femme a pris les glaces, peut-être surprise et les a gardées sur ses genoux. Les aura-t-elle laissées fondre ? Plus tard, épuisés par l’ascension de la petite colline, la chemise collée au dos mouillé de transpiration, fatigués par la chaleur, notre estomac indiquant avec force grondements que nous avions largement dépassé l’heure du déjeuner, nous avons trouvé la grâce dans le jardin de Notre-Dame-du-Rosaire. Assis sur un banc à l’ombre d’un bouquet d’arbres, face à la magnifique église désaffectée, la vue plongeante sur le fleuve Mandovi qui allait se jeter quelques kilomètres plus à l’ouest dans l’océan, nous avons dégusté religieusement notre sandwich préparé par notre hôtel sans que rien ni personne ne nous dérange. Ce lieu nous appartenait à ce moment-là.

Nossa Senhora do Rosário

Nos excursions

Nous avions fixé des dates avec l’agence Soul pour visiter deux îles au large du fleuve et avions convenu d’une journée de découverte avec un chauffeur qui nous avait été recommandé. Notre semaine à Panjim s’organisait à merveille. L’île de Diwar, visible depuis le port au départ de Panjim, est une longue bande de terre sur le fleuve.

La végétation et quelques tours d’églises émergent. Pour le détail, Éric a son permis de conduire mais il ne veut pas enfourcher de scooter. Moi, je le veux bien, mais mon permis de conduire est resté à Chennai. Nous n’avons donc pas pu en louer mais nos guides nous en ont prêté un. Détail réglé ! Le ferry peut transporter six véhicules, une dizaine de motos et une poignée de passagers piétons. Nous voici embarqués vers 15 heures le 24 décembre pour ce qui promettait d’être une découverte à défaut d’une aventure. Nous roulons sur de petites routes à une voie ou sur des chemins improbables à la recherche d’une église baroque, de ruines d’un temple détruit une première fois par les Moghols puis par les Portugais. L’air est bon, on se sent ailleurs. En fin d’après-midi, j’irai me jeter dans un petit lac pour un bain d’argile ; j’en ressortirai la peau toute lisse. Pour finir, nous aurons droit à une dégustation de feni accompagné de galettes de pommes de terre épicées savoureuses.

Le départ pour l’île de Chorao est prévu à 7h30 le 25 décembre. C’est tôt ! Dans la brume matinale, le lever du soleil depuis le ferry est splendide.

Chorao est proche de Diwar, tout aussi longue, comme posée sur l’eau, ébouriffée par le feuillage de la végétation luxuriante. Depuis une barque silencieuse, nous assisterons à un magnifique spectacle d’oiseaux migrateurs sur le fleuve et ses backwaters. Nous visiterons une église et un temple hindou qui n’a d’autre intérêt que d’être le seul de la région à être dédié à la mère biologique de Shiva (?).

Backwaters

Nous passerions la journée du 26 décembre dans l’arrière-pays dont le parcours irait de Loutulim à Quepem en passant par Chandor. Là, se tiennent les plus belles grandes maisons indo-portugaises dont celle de la célèbre famille Bragança (Bragance) du Portugal. Le point commun entre toutes, à l’instar des palais du Chettinadu, est l’usage de matériaux nobles pour les aménagements. Le bois de rose pour les meubles, les lampadaires de Belgique, les marbres de Carrare, les lustres de Venise, les porcelaines de Chine. Les portraits des ascendants portugais ornent les murs tapissés de papiers peints à la main, comme un sceau officiel d’authenticité. Les meilleurs artisans goanais du XVIIème siècle ont construit tout cela dans le style portugais. Les explications données lors de nos visites témoignaient à chaque fois de l’amour et la passion pour ces demeures et leur histoire, cachant souvent les réelles difficultés liées à l’entretien. Une passion d’une vie, mais à quel prix ? Les uns s’en sortent bien comme à Loutulim et à Quepem, d’autres moins bien comme à Chandor.

Dans la campagne de Loutulim, la Casa Museu de Figueiredo fait face aux rizières, aux palmiers, aux manguiers et aux anacardiers dans un dégradé extraordinaire de verts. Nous avons été accueillis par les propriétaires, Figueiredo de Albuquerque, dont le jeune fils parfaitement francophone gère aujourd’hui l’entreprise. Cette maison, bien qu’habitée par la famille, est un musée en soi et un hôtel de luxe dans lequel nous serions bien restés quelques temps.

Sur la grande place de Chandor, jouxtant l’imposante église Nossa Senhora de Belem, on ne peut manquer l’impressionnante Casa Bragança qui étale majestueusement ses 28 balcons alignés sur la façade (photos des intérieurs hélas interdites). Les deux héritières, descendantes directes de la famille Bragance du Portugal, se partagent les deux ailes de cette demeure : l’aile Peirera-Bragança, assez endommagée,  meubles en mauvais état, vestiges d’une époque éblouissante mais dont la propriétaire était charmante. Nous l’avons visitée en marchant sur la pointe des pieds et en chuchotant car au même moment une équipe de tournage réalisait une séquence d’un film dont nous entendions le vacarme d’une lutte entre plusieurs hommes. L’aile Menezes-Bragança, en meilleur état de conservation, nous a plus impressionnés – salle de bal, salle à manger, fenêtres composées de calepas, petits carreaux de nacre d’huîtres, en relativement bon état de conservation, matériau largement utilisé localement à cette époque, irremplaçables.

Plus loin, la Casa Fernandes est une très belle bâtisse méritant une bonne restauration. Depuis la rue, l’odeur de cuisine épicée titillait nos narines. Le propriétaire nous a beaucoup émus, aimable et accueillant bien qu’il s’apprêtait à  déjeuner. Il avait l’air d’un pauvre homme, mal fagoté, vêtements pas très nets, charentaises aux pieds, hygiène douteuse, dents manquantes mais le port altier, le regard intelligent et le pas alerte. Tout comme chez les « autres », la passion, l’amour et l’histoire d’une vie « portugaise » se lisaient dans ses yeux. Il nous a tout montré : la salle de bal fantomatique, l’immense salle à manger qui ne servirait jamais plus personne, la commode aux tiroirs secrets sans plus aucun secret à cacher, sa chambre avec lit à baldaquin aux voilages poussiéreux dans lequel il dormait sans doute tout seul, la collection de médailles anciennes enfermée dans des tiroirs sans secret, les bibelots poussiéreux et parfois ébréchés d’époque. Tout cela avait fait la fierté d’une famille riche et noble d’un temps à jamais révolu. Cet homme devait combattre chaque jour pour conserver son bien, son joyau. Les privations, certainement, les charges à payer aussi. Mais cette maison était la sienne et il n’avait pas d’autres alternatives que d’y vivre. La petite boîte à la sortie, discrètement placée à la vue des visiteurs pour les dons, contribuait peut-être à le maintenir à flot.

Enfin, à Quepem, le Palàcio do Deão, était d’un autre genre. Racheté par un passionné d’architecture, Indien pure souche au nom portugais surprenant, Ruben Vasco de Gama – rien à voir avec LE Vasco de Gama – a fait renaître de ses cendres cette très belle maison coloniale à l’élégante façade jaune. Si l’homme était sympathique, il a mené tambour battant la visite parce que des clients déjeunaient en terrasse. Il avait donc peu de temps à nous consacrer. Ce fut un peu décevant mais pour être francs, nous étions si rassasiés de tant de beautés et si fatigués par toutes ces visites que nous ne nous sommes pas sentis frustrés, bien heureux de pouvoir remonter en voiture pour faire baisser la température corporelle grâce à l’air conditionné. De retour à Panjim, nous irions boire une petite bière locale au café Joseph puis nous dînerions chez Viva Panjim.

Crèche de Noël

2ème chronique goanaise

Goa, qu’est-ce que c’est ?

C’est le plus petit état de l’Inde depuis 1987 et devenu indépendant en 1961. Il fête donc ses 60 ans de rattachement à l’Inde à force de grands panneaux sur les routes, manifestant ainsi une victoire de l‘Inde sur le Portugal. C’est aussi environ 120 kilomètres de côtes bordées de gigantesques et merveilleuses plages agrémentées de pins et de cocotiers.

Un ami nous demandait quel était l’état de propreté de ces plages car, il y a 25 ans, elles étaient immondes, disait-il. Aujourd’hui, elles sont nettoyées quotidiennement, les gens sont plus respectueux et ont conscience de la chance d’un tel environnement, certaines sont d’ailleurs protégées car les tortues de mer viennent y pondre entre octobre et mai et, entre juillet et août, elles sont désertes tant il y fait chaud. Goa n’est pas une ville, c’est le nom de l’état dont la capitale est Panjim (Panaji en konkani, langue officielle majoritaire d’origine indo-iranienne). C’est aussi la lumière du matin et les couchers de soleil qui enchantent car, contrairement à la côte est, on peut jouir chaque soir du soleil plongeant dans la mer. Les terres sont fertiles, les nuances de verts se côtoient ou se superposent, les paysages de cocotiers et de rizières et la végétation luxuriante sont un plaisir des yeux et nos sens sont en éveil constant. Depuis l’arrivée des hippies dans les années 60, Goa jouit d’une renommée mondiale et est prisée des touristes.

Les plages 

Je regarde la mer et je l’écoute. L’écume des vaguelettes meurt sur le rivage. J’observe le mouvement de l’eau et cette vision apaisante est propice à la méditation, ou à ce qui peut lui ressembler ; détente, relaxation, repos, bien-être, idées fluides, zéro stress … Je comprends pourquoi tous les enregistrements de musique zen incorporent ce bruit de va-et-vient qui dispose à la pleine conscience. Dès le matin, allongés sur notre transat, à l’ombre de canisses et face à une plage encore désertée, nous regardons cette mer qui bouge et vit. Le mouvement incessant des vagues qui finissent par lécher le rivage est une douce musique à nos oreilles. Éric, allongé à mes côtés, les lunettes de soleil m’empêchant de savoir s’il lit ou s’il s’est assoupi, ne bouge pas, sa respiration est lente, elle aussi apaisée. Moi, j’observe ce paysage marin, longtemps, comme happé par l’horizon, hypnotisé. J’écris dans mon petit carnet vert qui ne me quitte pas. Je n’ai pas le goût de la lecture dans ces moments-là. À l’heure où nous sentirons nos estomacs nous rappeler le rythme biologique, nous nous « retrouverons » pour boire un lassi ou une citronnade et pour manger. Les passages successifs des vendeurs de colliers de billes de verre ou de plastique, de bracelets en cuir ou en bois ou de ceux vendant des noix de coco pour leur eau ou des ananas, leurs lourds paniers en équilibre sur la tête, interrompront cette quiétude.

À partir de 17 heures – une autre ambiance – les touristes, Indiens de Bombay, Delhi ou Calcutta, envahiront l’immense plage de sable blond où nous nous trouvons. Ils fumeront des cigarettes (ou autre chose !), boiront de la bière (ou autre chose !), parleront fort (comme le font habituellement les Indiens !), joueront au frisbee ou au football (comme de grands enfants !). Leurs musiques, tout droit sorties de leur enceinte nomade « Marshall », se télescoperont çà et là. Tout cela aura un air joyeux de belles vacances. Des enfants excités crieront dans l’eau tandis que les parents les surveilleront depuis la plage. Beaucoup se baigneront tout habillé. Cependant, alors que les hommes porteront des bermudas, des femmes indiennes braveront la culture du corps dissimulé et « s’exhiberont » dans un maillot de bain parfois mini mini. Une autre Inde. Les plages sont surveillées, les maîtres sauveteurs, grosse frite en bandoulière, ont l’œil vif, le pas alerte et le coup de sifflet un rien intempestif. Rien ne leur échappe, aucune vague n’engloutira de nageur. Ils semblent patients et très pédagogues, expliquent aux parents qu’il est important de surveiller leurs progénitures, parlent aux jeunes des dangers de la mer. La jeep des garde-côtes sillonnera la plage et lancera, de loin en loin, des mises en garde à l’encontre des imprudents. Des hippies, crânes rasés, queues de cheval ou dreadlocks, vêtus de longhi, torse nu et écharpe ceignant leur mince torse hâlé, regarderont dédaigneusement tous ces touristes, dont nous faisons partie, suppôts de l’hyperconsommation venus d’un monde qu’ils rejettent. Nous irons tous nous baigner, la température de l’eau est idéale, le soleil est plus doux à cette heure-là et on le verra bientôt affleurer l’eau, comme s’il voulait s’y jeter, pour finalement disparaître laissant la place au crépuscule.

Entre chiens et loups, les entraîneurs à la course de buffles passeront devant nous. Tenus entre deux longues cordes par le licol, ils subiront placidement cet entraînement sur le sable dur du rivage. Leur bosse sur le haut du dos tangue au rythme du déplacement. Ces bêtes massives à la belle robe beige ou camel, soyeuse, tout en muscles est un contraste saisissant avec la douceur qu’elles dégagent. Ailleurs, ce sont les chevaux montés à cru par de beaux cavaliers que l’on mettra à l’exercice. Et pour les revigorer, le bain de mer semblera être apprécié. Les vagues sont parfois si hautes que seule leur tête émerge de l’eau sans qu’ils en soient effrayés. Plus tard, l’un de ces cavaliers magnifiquement sculpté viendra prendre sa douche sur le sable juste sous nos yeux émerveillés.

Au même moment, les filets de pêche seront tirés sur la plage.  Les pêcheurs, entravés deux par deux à une longue tige en bambou au niveau des reins, reculeront à petits pas, pas de deux d’un ballet contemporain. Ils sortiront lentement l’énorme filet alourdi par le poids de ce qu’il contient et qui reste une surprise pour tous. Les badauds, comme nous, attendent impatiemment de voir ces pauvres poissons prisonniers que nous mangerons sans doute un peu plus tard. Un autre jour, une balade à scooter nous fera découvrir une plage conseillée par la jeune et charmante réceptionniste de notre cottage à Agonda.

La plage de Galgibag, à quelques kilomètres de là, protégée puisque lieu de ponte des tortues de mer, est un véritable paradis sur terre. A l’ombre des pins, nous y sommes arrivés en fin de matinée avec l’impression fantasque de revivre ce que Robinson Crusoé avait pu ressentir, non pas dans la solitude de l’espace mais submergé par cette immensité. Nous découvrirons sous la pinède deux petits restaurants de fortune. L’un d’eux marquera l’un de nos plus grands plaisirs gustatifs de notre séjour et dont je vous parlerai plus tard !

Mise en bouche : huîtres sauvages au déjeuner !

1ère chronique goanaise

Les vacances 

Nous nous sommes interrogés un bon moment quant aux congés de fin d’année. Tiraillés entre l’envie de rentrer en France et celle de découvrir l’Inde, notre choix a été finalement vite fait de par l’obligation quasiment impérative de rester. Les mesures sanitaires s’étant renforcées et ma demande de visa une fois encore refusée, nous ont « imposé » des vacances en Inde. Guides en mains et recherches sur Internet, nous voulions du dépaysement. Une semaine à Goa puis une semaine dans le Kérala nous semblaient idéal. Mais, encore une fois, les conditions de déplacements n’étaient pas si simples. Nous n’avions pas de moyens de transports entre les deux états ou il nous fallait repasser par Chennai. Nous décidions alors de rester deux semaines à Goa. Achat de billets d’avion, réservations d’hôtels, contact d’un chauffeur pour nos visites et l’affaire était pliée. Nous voulions, bien évidemment, découvrir les aspects de la longue présence portugaise, mais aussi profiter des plages que l’on disait être paradisiaques. Ainsi, nous passerions 3 jours sur l’une des plages du nord, à Mandrem, belle plage tranquille et village peu bouleversé par le tourisme de masse, 6 jours dans la capitale, Panjim à faire quelques excursions à la découverte du patrimoine local et enfin, nous terminerions notre séjour « à la baba-cool » sur l’une des plages du sud, à Agonda, long et large ruban de sable blond, assez peu fréquentée, bordée de pins et de cocotiers, à manger, boire et se reposer les doigts de pieds en éventail (ce qui n’a pas toujours été le cas comme vous le lirez plus tard dans une prochaine chronique), avant de reprendre l’avion pour Chennai.

Journée sur la plage à Mandrem.

Goa versus Pondichéry, deux anciens comptoirs européens

Colonie portugaise depuis le début du XVIème siècle, Goa est un peu pour le Portugal en Inde ce qu’est Pondichéry pour la France. L’une se situe sur la côte de Malabar à l’ouest, bordée par la mer d’Arabie ou d’Oman dans laquelle on se baigne volontiers. La seconde à l’est, sur la côte de Coromandel, borde le Golfe du Bengale, agité par de forts courants dangereux limitant les baignades en de nombreux endroits. Des 400 ans de domination portugaise, il reste aujourd’hui un grand nombre de demeures à l’architecture indo-portugaise, d’églises baroques disséminées sur tout le territoire goanais ainsi que les azulejos, ces fameuses céramiques bleues dépeignant l’arrivée par bateaux des missionnaires catholiques, la conversion des « indigènes » à la religion ainsi que les figures héroïques des découvreurs et gouverneurs conquérants. Il reste aussi une certaine nonchalance, une douceur dans les regards et les sourires, un contact amical avec le visiteur ainsi qu’une façon de se vêtir « à l’occidentale ». En effet, la grande majorité des femmes portent une robe, les hommes des pantalons. La cuisine offre avec fierté des spécialités portugaises dont les diverses façons de préparer le bacalhau. La communauté chrétienne est visible et représente environ 28% de la population. Les fêtes sont empreintes de religiosité à l’instar des Trois Rois en janvier, le Sabado Gordo (cortège de chars le samedi précédent le carême), le carnaval, la Fama de Menino Jesus (procession montrant l’Enfant Jésus), la fête de saint François Xavier, en mémoire au missionnaire dont le corps repose à Velha Goa ou la fête de Notre-Dame-de-l’Immaculée-Conception (foire et concerts autour de l’église à Panjim). Enfin, la langue n’est pas oubliée des Indiens qui ont choisi de conserver la nationalité portugaise, ce qui rend cet attachement très fort avec le Portugal.

La France en Inde débute en 1673 au nom de la Compagnie française des Indes. Ce fut une épopée aussi éphémère que splendide dont on a la preuve encore aujourd’hui. Pondichéry offre aux visiteurs ses belles maisons dans le quartier français. L’appellation « Vieille Maison Française » est visible sur les murs d’enceinte. Ces maisons coloniales sont à l’ombre des bougainvillées. Les rues portent des noms français, cours Chabrol, rue Bussy, de la Cathédrale ou de la Compagnie, rue Dumas, Romain-Rolland, Suffren ou Labourdonnais. On y trouve l’Alliance française, le lycée français, l’Institut français d’indologie, l’École française d’Extrême-Orient, autant de petits bouts de France qui marquent sa présence sur ce territoire. « Pondy » est aujourd’hui une joyeuse juxtaposition de yoga, de méditation, de divinités, de croissants et de pains au chocolat et d’architecture coloniale qui en font un cocktail étonnant. On y fête le 14 Juillet avec des défilés dans les rues avec les traditionnels feux d’artifice et bals « à la française ». On y trouve un monument aux morts de la guerre de 14-18 et une statue de Jeanne d’Arc. Contrairement à Goa la portugaise, Pondichéry la française n’a plus grand chose à voir avec le mode de vie et la culture française car l’Inde a repris ses droits et le français est tout juste ou à peine parlé par les « anciens ».