Kadhani Vizha*

* Karnavedha, en sanskrit, Kadhani Vizha, en tamoul

Bala et sa belle famille

Nous avons retrouvé Bala dans une grande agitation à notre retour de Goa. Sa maison avait pris du retard, les peintres ne venaient plus et il fallait impérativement que la façade soit terminée. Il a dû prendre des jours de congés pour se rendre au village afin de faire avancer les choses. Il devait également organiser le Kadhani Vizha, le piercing des oreilles de ses enfants. C’est un important « rite de passage » dans la vie des Hindous. Divya, une jolie petite fille de 6 ans et Girinath, un garçon de 9 ans au visage expressif, sont tous les deux comme chien et chat à se chercher et à se chamailler sans cesse. Comme tous les rituels hindous, celui-ci est d’une grande importance. Il est le premier consacré aux enfants, garçons et filles,  âgés de un à six ans, le second étant le mariage. Comme toutes les cérémonies, elle rassemblera beaucoup de monde. Pour cette occasion, ce sera tout le village. Car ne faut-il pas impressionner et montrer à la communauté que l’on a les moyens ?

Portrait de famille

Bala dépensera plus d’un Lakh (1300 €), une somme énorme, mais, selon ses dires, sa femme et lui n’auront que ces deux cérémonies à financer. Les enfants valent bien cela ! Les 2 et 3 février, dates propices selon le calendrier solaire-lunaire tamoul, tout le village serait présent, le brahmane officierait, le sacrifice d’une chèvre bien grasse serait pratiqué dans les règles de l’art, un traiteur de Polur, le bourg voisin, préparerait sur place un gigantesque et non moins délicieux riz biryani au poulet pour 400 personnes et l’on ferait bombance dans la bonne humeur.

Girinath et Divya ont fait don de leurs cheveux
au temple du village.

Invitation

Nous avons été très étonnés de l’invitation de Bala. Les Indiens sont plutôt pudiques en ce qui concerne la sphère privée, surtout envers les étrangers. J’ai été d’autant plus surpris d’être hébergé sous le même toit que sa femme et ses enfants. Il a fait preuve d’une grande générosité et peut-être de sympathie ou même d’amitié. Il n’a pas craint mon regard et encore moins mon jugement sur sa condition de vie. J’ai trouvé cela courageux et touchant. Éric n’a pas pu, hélas, s’y rendre – work, work, work ! Un ami de Bala a quitté le village de Potharai le mardi matin, a roulé plus de quatre heures pour venir me chercher et vers 14h30, faisait le trajet inverse. C’était pour lui, un aller-retour non-stop, rien que pour moi ! Le trajet fut long, parsemé de nids-de-poule, de travaux, de ralentisseurs si hauts qu’on aurait pu se croire sur des montagnes russes, de barrages à l’entrée des bourgs ramenant à une seule voie la circulation à double sens, créant ainsi beaucoup de confusion mais n’empêchant pas les nombreux embouteillages. Notre concentration s’est accrue lorsque la nuit est tombée vers 18 heures. Le regard tendu et rivé sur le bas-côté de la chaussée, nous étions aveuglés par les phares des véhicules que nous croisions, nous devinions, et parfois évitions, les trous profonds, les vélos sans lumière, les motos surchargées, les camionnettes cahotantes et autres véhicules lents.

Création de kolams par des femmes du village

Arrivée tardive

Nous sommes arrivés à 20 heures dans un village silencieux plongé dans la nuit noire. J’étais soulagé ! Bala avait recommandé à son ami de rouler prudemment sans trop klaxonner. Il a été prudent et a beaucoup klaxonné … J’étais fatigué et encore tendu. Bala et Sughanti m’ont accueilli et peu après, il est parti faire quelques achats de dernières minutes. J’ai visité la maison nouvellement construite. Ma chambre se trouvait au premier étage et donnait sur une large terrasse dominant la ruelle. On y accédait par un escalier extérieur, de sorte que cette chambre isolée avec une salle de bains privative chapeautait la maison. Sughanti m’a proposé un thé que j’ai volontiers accepté. Cela m’a fait du bien et toutes les tensions causées par le voyage ont disparu. Puis elle est retournée s’affairer en cuisine. Elle préparait un ragoût de chèvre qui, pensais-je, serait servi le lendemain. On ne s’occupa plus de moi, je ne savais pas trop quoi faire et me demandais ce qu’il allait se passer. Revenue de la cuisine, la femme de Bala m’a fait goûter son ragoût, quelques petits morceaux de chèvre dans une soucoupe. C’était bon, très équilibré en épices, une sauce très onctueuse enveloppant bien la viande. J’ai souri levant mes pouces indiquant mon approbation. Elle est retournée dans sa cuisine, satisfaite et peut-être même, rassurée.

A ce moment-là, trois femmes du village, dont la mère de Bala, sont venues tracer sur le sol les kolams à la poudre blanche et rouge devant la maison. Je les regardais œuvrer avec beaucoup d’intérêt. Elles étaient sous le large dais cérémoniel qui ondulait sous la légère brise du soir. Des jeunes garçons, amis de Girinath, le père de Bala et un voisin ont déchargé le camion garé tout près et en ont sorti deux énormes rouleaux de feuilles de bananiers qui serviront d’assiettes, un régime de bananes et d’autres « choses » indispensables à la cérémonie. Aussitôt, le père de Bala, assis par terre devant la porte d’entrée, a commencé à découper les feuilles en tronçons de 50cm. Il en aurait pour un bon bout de temps, il le faisait machinalement tout en discutant avec les femmes. Une grande quantité de chaises en plastique était stockée à côté de tables pliantes. Bala revint enfin vers 21h30. Il avait acheté de la bière. Pour lui et moi. Direction la terrasse. Il a éloigné ses enfants, curieux de ma présence et sans doute étonnés de voir leur père boire de l’alcool. Sughanti nous a apporté du ragoût que nous avons picoré comme des cacahuètes à l’apéritif en buvant notre bière pas fraîche. L’air était bon, l’atmosphère calme et détendue et les moustiques en plein combat … On entendait, de la hauteur, le murmure de ceux qui parlaient en bas, sans déranger la tranquillité des voisins. Après quoi, nous sommes descendus pour nous installer par terre dans la grande salle. Nous avons alors mangé un plat de ragoût avec des dosas, sorte de crêpes, spécialité de l’Inde du sud. Le temps des hommes. Les enfants dormaient déjà, tout habillé, dans la chambre parentale : la fille, sur le lit qu’elle partagerait avec sa mère, le fils, sur une natte sur le sol, avec son père. Peu après les avoir remerciés de leur hospitalité, je suis allé me coucher pour un réveil prévu, pour moi, à 7 heures.

Le jour J

Bala s’est levé à 3 heures du matin et est allé à Polur chez le traiteur. Il a surveillé le découpage des 25 kilos de poulet. Je bois du thé à la cardamome et mange des biscuits tout en regardant la famille et les amis proches s’activer aux préparatifs. Je ne sais pas comment cela va se dérouler. Je suis impatient de découvrir un aspect culturel de la vie des Indiens. La cuisine est installée sur le chemin. Il y aura bien assez de bûches pour maintenir le feu. Deux cuisiniers découpent les oignons, les piments, les herbes et les tomates assis par terre tandis que deux autres ont mis le riz sur le feu et préparent le biryani dans d’énormes marmites. Je les regarde, médusé par les quantités pantagruéliques.

Tout le monde s’agite mais les choses avancent. Il faut dire que tous y vont de leurs commentaires, suggestions, propositions, arrangements, ce qui a le don d‘agacer Sughanti. Elle ne s’entend pas avec sa belle-mère et ça se voit. Je la sens nerveuse contrairement à Bala qui est très calme. Ses trois amis proches, sa garde rapprochée, ses compères, sont avec lui. Hare Krishna (et oui, ça ne s’invente pas !) vient d’arriver de Bangalore avec une bouteille de vin blanc, pour moi. Nous la boirons plus tard, retranchés sur la terrasse. La cérémonie est fixée à 9 heures. Avant cela, Hare Krishna me fait visiter le village et les alentours en scooter. Sa rizière d’abord. Elle produit 4 tonnes de riz en 2 ou 3 récoltes annuelles pour un gain net de 50000 roupies environ. Un bon apport supplémentaire. Puis, direction le champ de Bala. Culture du manioc. Au passage, Hare Krishna arrache les tubercules pour son usage personnel. Vive l’amitié ! Nous allons prier dans un temple un peu plus loin. J’en ressortirai avec une marque verte sur le front après mon offrande. Un peu plus loin, un paysan m’offrira une brassée de cacahuètes toute fraîches. Je découvre pour la première fois un bosquet d’arbres à santal, propriété du gouvernement. Ils jouxtent les teks. Manguiers, papayers, margousiers, ou neem, composent le paysage. A cette heure matinale, l’air est délicieux et j’apprécie cette visite. Hare Krishna est charmant et très amical.

Hare Krishna et son disciple

La cérémonie

A notre retour, tout est prêt et l’agitation est à son comble. Divya et Girinath sont assez nerveux. Ils savent qu’on va leur percer les oreilles et craignent peut-être d’avoir mal. La veille, au temple, ils ont été tondus, leurs cheveux donnés en offrande. Ils ont revêtu des habits de fêtes.

Les offrandes

Devant la maison, les offrandes sont disposées au sol : le régime de bananes et beaucoup d’autres fruits, de la nourriture faite maison, galettes craquantes et feuilletés végétariens, des poudres, de l’encens, des noix de coco (pas celles que l’on mange mais celles que l’on fracasse sur le sol en offrande à Ganesh), des boissons gazeuses. Les huiles feront brûler les mèches. L’officiant prépare consciencieusement les boucles d’oreilles. Il oint les clous d’une poudre rouge antiseptique.

Chaque boucle est en or 24 carats de un gramme. La famille proche offrira de l’or pour chaque enfant. La norme est d’offrir 2 grammes d’or. Elle offrira également des vêtements y compris pour les parents. Et pour la petite anecdote, Bala me dira plus tard que ce qui ne leur plaît pas ou offert en double ou en triple sera rendu au magasin et remboursé. Le moment est arrivé : les enfants se présentent à l’assemblée et saluent les mains jointes sur la poitrine. Les parrains sont derrière eux. Ils s’assoient sur un siège bas prenant chacun un enfant sur les genoux. La nervosité des enfants montent d’un cran, celle des parents aussi. Je ne suis pas en reste et j’ai le souffle un peu court : la douleur me fait peur. L’officiant s’assure une dernière fois que les clous des boucles d’oreilles sont bien badigeonnés de poudre.

Les enfants saluent l’assemblée
en signe de respect.

On commence par le garçon, bien calé sur ses genoux de son parrain, il se sent en sécurité. Le clou perce le lobe, Girinath grimace. Aussitôt, on lui met une banane dans la bouche. Il est dit que la douleur fait « mordre la poussière » que le sucré efface. C’est au tour de l’autre oreille, il va falloir endurer une deuxième fois la désagréable sensation. Les yeux de Girinath se mouillent mais il ne pleure pas, il est très courageux. Une fois l’opération terminée, l’officiant met de la poudre rouge sur les lobes. Divya a regardé tout cela. Elle n’est pas rassurée et j’ai l’impression qu’elle va pleurer. Mais non, à l’instar de son frère, elle est très courageuse et même lorsqu’il a fallu l’intervention de 3 femmes pour visser le fermoir à l’arrière des lobes, les torturant, ravivant la douleur, elle s’est comportée comme une petite dure.

L’autre parrain, le moment venu, lui a mis une banane dans la bouche dans laquelle elle a mordu avec force. Photos. Les nombreux invités défilent et posent, clic-clac, en remettant les cadeaux dans les mains des enfants. Pose. Mon tour arrive enfin, je remets une enveloppe contenant de l’argent d’après le conseil de Bala. Photo.

Le repas

Comme si un signal avait été entendu, les invités se sont attablés sous le dais vers 11 heures. Les tables seront servies et desservies à la chaîne pour que tous mangent. La famille et les amis très proches font le service, selon l’usage. Une feuille de bananier est posée devant chacun sur laquelle une bonne portion de  biryani au poulet est déposée avec du raïta, délicieux curd (yaourt épais) aux oignons et aux piments … pour adoucir le feu du biryani ! Je regarde tout ce monde-là, en retrait. J’ai faim. Pour moi, ce sera l’heure de l’apéro, installé sur la terrasse du premier étage avec Hare Krishna. Vin blanc. Chaud. Deux cuisiniers montent me rejoindre. Pas d’échange en anglais, alors on affiche les sourires. Selfies.

Vers 14 heures, lorsque tous les convives sont repus et rentrés chez eux pour la sieste, Bala m’invite à m’assoir à table à côté d’un de ses amis et de sa femme. Ils vivent à Tiruvanamalai. On nous sert copieusement. On me tend une cuiller mais je veux leur faire honneur, et, à l’indienne, je mange avec ma main droite. C’est bon, c’est encore chaud, c’est parfumé et bien épicé. Ça chauffe dans ma bouche, dans ma gorge, ça pique la langue mais je me régale.

Le retour

Pendant ce temps, les tables sont repliées, les chaises empilées et des femmes lavent les énormes chaudrons. Sughanti range la maison du mieux qu’elle peut. Les cadeaux s’entassent dans la chambre. Avant de partir, ils me donneront quelque nourriture. Vers 15 heures, nous nous préparons à partir. Bala rentrera avec moi, tranquillement. A mi-chemin, nous nous arrêterons pour boire un café indien. Arrivé à Madras vers 19 heures, il me restera en mémoire toutes ces images, toutes ces sensations d’une plongée de 24 heures dans la vie rurale authentique et traditionnelle du sud de l’Inde.

Dernière chronique goanaise

Épicé ou grillé ?

La cuisine goanaise est un mélange savant de saveurs épicées de l’Inde du sud et de traditions portugaises qui accompagnent autant les viandes que les produits de la mer. Compte tenu de la situation sanitaire et de l’activité restreinte des restaurants, beaucoup de spécialités n’étaient pas disponibles. Quelle déception ! Mais, pour s’y être aventurés, je peux vous assurer que ça arrache le gosier. Le vindaloo est un plat de poisson très épicé mariné dans du vinaigre et de l’ail, le xacuti est un plat de poulet très épicé cuit dans une sauce au curry rouge au lait de coco, le cafreal est du poulet très épicé mariné dans du massala vert, frit et arrosé de vinaigre de vin de palme. Nous avons goûté les délicieuses saucisses façon chorizo très fort sur un marché. Nous avons vite fait l’impasse sur ces mets « bouche-en-feu », préférant les poissons, les fruits de mer et les crustacés. Le pomfret, par exemple, poisson présent également en Méditerranée, est plat, rond et à chair blanche. De plusieurs tailles, les plus gros sont les plus chers ! Nous avons d’ailleurs été très surpris par le coût élevé de ces produits. Mais manger sur la plage ces délicieux petits poissons, des crevettes et des calamars, grillés ou au beurre d’ail, arrosés de citron vert et parsemés de coriandre, le tout accompagné d’une salade de crudités et de légumes frais, était un vrai bonheur des sens.

Plus élaborés, le soir au Blackmarket ou au Fisherman’s Wharf, les gambas, les langoustes, les bars, rôtis et arrosés d’un « millésime » rouge ou blanc indien, au son d’un bon orchestre, participaient d’une aventure gustative jouissive !

Je garde aussi en mémoire un merveilleux ragoût de chèvre façon osso bucco qui reste inoubliable. Et pour terminer un repas sur une note sucrée, le beblinca, pudding à la noix de coco assez goûteux, s’impose comme le dessert par excellence. On dirait presque un gâteau de crêpes.

Sur la terrasse du « Viva Panjim »

Mais c’est dans une des paillotes sous la pinède de la plage de Galgibag que nous avons été séduits. Une tablée de trois amis indiens très décontractés se régalait joyeusement d’huîtres sauvages tout en humant la fumée défendue. Une autre, très baba cool, composée de couples mixtes, faisait de même. Nous avons été accueillis par un mélange d’odeurs d’herbes interdites et de cuisine, au son de musique d’ambiance et de discussions animées. Un jeune serveur souriant nous a apporté la carte en nous proposant la pêche du jour : crabes, huîtres, moules et poissons.  Nous nous sommes laissés séduire par des crabes, semblables à nos tourteaux, installés tels les damoiseaux d’une maison close dans des paniers en osier. Préparés dans une julienne de légumes au lait de coco, un rien épicée, ils reposaient langoureusement. Nous leur avons fait leur fête ! Les grosses pinces ne nous ont pas résisté. Sous la carapace, le corail rouge safran, couleur bénie des divinités indiennes, était savoureux et intense au palais. La chair blanche était moelleuse et douce sous la langue, quelle jouissance ! Il nous a bien fallu un bain de mer pour se remettre de tant de plaisir … #onenpincepoureux 

Shanti et Sam 

Les principes des massages ayurvédiques sont basés sur le travail en profondeur des tissus (la peau, les épidermes sous-cutanés, les muscles et les organes internes) et sur la stimulation du sang et de la lymphe. De ce fait, le flux énergétique augmente, les toxines accumulées dans les muscles sont relâchées et évacuées par le courant du sang. Des huiles aromatisées, sélectionnées individuellement, sont utilisées selon les types de massages. Il existe plus de 26 huiles médicinales contenant chacune entre 7 et 30 herbes qui n’ont aucun effet toxique pour le foie parce qu’absorbées directement dans le sang.

Mais qu’est-ce que l’ayurvéda ? Du sanskrit « ayu » : connaissance de la vie et « veda » : sciences/connaissance, les principes de l’ayurvéda sont le maintien de la santé, la guérison des maladies et la réalisation de soi. Il s’agit d’équilibrer les cinq Mahabhutas qui sont en nous : la terre, l’eau, le feu, l’air et l’espace, créant trois doshas : Vata – espace et air – mobilise les fonctions du système nerveux ; Pitta – feu et eau – connecte la bile pour faciliter la digestion et agit sur le métabolisme du système veineux ; Kapha – eau et terre – concerne les fluides corporels liés aux muqueuses, lubrifiant et source de nutriments pour le système artériel. Quel programme ! Après un massage ayurvédique, notre corps devient un véritable bouclier contre le Mal. On ne peut que se sentir bien alors pourquoi s’en priver ?

En tout état de cause, nous nous sommes adonnés à ces massages – un par jour d’une durée d’une heure trente chacun -, abandonnés aux mains expertes des masseurs de chez Shanti à Mandrem et de celles de Sam à Agonda. Chaque soir, après le coucher du soleil, nous nous précipitions vers ces salons désireux de rééquilibrer nos mahabhutas et réaligner nos doshas. Un travail en profondeur sur notre corps gorgé de soleil avide de caresses musclées qui n’épargnerait aucune partie, à l’exception des intimes (dans notre petit string à usage unique, on était sexy à souhait ! A ce moment-là, le masque n’était pas positionné à l’endroit attendu), de la racine des cheveux au bout de nos orteils, et sur notre esprit afin de le reconnecter à l’univers. Ces massages sont à la fois bons et douloureux. Les mamans ne disaient-elles pas à leurs filles : « Il faut souffrir pour être belle. » Belle mentalité, en effet. Les pressions en profondeur ne sont pas toujours agréables mais font beaucoup de bien, on en ressort en pleine forme, très détendus et prêts pour une soirée agréable. On se sent beau, fort et en bonne santé. On n’a envie que d’une chose, c’est d’y retourner le lendemain. Vous avez compris, on adore ça !

Nous avions choisi trois types de massages : le traditionnel indien qui consiste en de longues frictions à poignes fermes – des mains d’acier dans des gants de velours – afin d’améliorer la circulation du sang et stimuler le système nerveux. Il permet également, en insistant sur les contractures, de défaire les nœuds et de détendre les muscles, rajeunissant ainsi le corps et l’esprit, dixit les brochures. De fait, c’est bon et quel que soit le type de massage, le sentiment de détente fut immédiat.

Les massages poutli et shirodhara étaient les plus surprenants. Le premier consiste à appliquer un linge formé en une boule dans laquelle il y a une douzaine d’herbes. Ce linge est ensuite trempé dans une huile médicinale chaude puis appliqué sur le corps. Cette technique permet de lubrifier les articulations améliorant les problèmes de rhumatismes et allégeant les douleurs dorsales. Le second est tout à fait étonnant : le masseur commence par masser le corps, puis il fait couler de l’huile chaude sur le front en un flot continu, enfin il termine par un massage des pieds. L’huile est contenue dans une petite vasque en cuivre suspendue au fond de laquelle un trou permet l’écoulement du liquide. Une fois positionnée juste au-dessus du front, le masseur actionne une valve et laisse couler l’huile chaude qui se répand sur le front. De temps à autre, « l’officiant » le masse et étale l’huile uniformément procurant un bien-être immédiat. Pour ma part et contrairement à Éric qui s’est assoupi au cours de cette séance, mon ressenti a été de plusieurs ordres. D’abord, la surprise. Comme une éclaboussure chaude qui percute le front. Ensuite, l’écoulement continu sans que je sois maître de l’opération, la température du liquide que je ne pouvais maîtriser et la difficulté à lâcher-prise m’ont rendu incapable de me détendre. Soudain, l’huile était devenue trop chaude et semblait me brûler le front, pénétrant mon cerveau. Je n’étais plus détendu, la sensation de chaleur devenait subjectivement insupportable, j’étais incapable d’évaluer le bien-fondé de ces perceptions m’amenant à dire « Stop  ! ». Aussitôt l’écoulement s’est arrêté et des doigts ont doucement frotté mon front comme pour effacer les stigmates de brûlure. Soulagé, je reprenais mes esprits, retrouvais mon calme après ma panique ridicule et me sentais prêt à continuer la séance. Recouvrant une respiration calme, la valve ouverte de nouveau libérant le précieux liquide, je me suis laissé aller, emporté dans un espace serein et réconfortant. #onestzen

31 décembre 2020 à Agonda Cottages 

Nous sommes arrivés sur la terrasse du restaurant de notre resort à 21 heures, bronzés, décontractés, bien habillés, la chemise ou la kurta ouverte sur la poitrine, mocassins en daim sur le sable, comme des stars, pensant que ce serait calme. « Vous avez réservé ? », demande le maître d’hôtel. « Euh, non ! On peut quand même dîner ? » Toutes les tables affichaient une pancarte « Reserved » avec le nom et le nombre de convives ainsi que le numéro de chambre. Flottement. Mais grâce à nos sourires naturels et appuyés, le maître d’hôtel, de bonne grâce, a déplacé une pancarte et nous a attribué une table pas trop éloignée de la scène-sur-sable. Fatima, une belle Philippine à la voix extraordinaire, accompagnerait notre repas et nous enchanterait. Nous avons adoré son répertoire magistralement interprété. Quelle artiste ! Ce fut notre premier bonheur.

Avec Fatima à la fin de sa prestation.

Précisant au serveur que nous ne voulions pas dîner avant 22 heures, nous avons entamé une première tournée de mojito, puis une seconde, nous laissant envahir par l’alcool. Second bonheur. Passant aux choses sérieuses, je me suis dirigé vers les bacs réfrigérés près du barbecue et j’ai composé notre dîner en accord avec Éric : 8 belles gambas et un gros pomfret grillés accompagnés de légumes frais grillés, beurre à l’ail. La liste des vins étant très limitée, nous avons choisi un Sula blanc indien bien frappé et agréable en bouche. Troisième bonheur. A mes oreilles pourtant sensibles aux bruits, l’atmosphère du restaurant ouvert sur la mer avec les vagues en fond sonore était délicieuse. Les discussions aux tables voisines allaient bon train. Tous les regards allaient de l’assiette à Fatima. Nous étions occupés goulûment et en même temps absorbés par sa fabuleuse présence, faiseuse d’ambiance réussie mettant chez les dîneurs des fourmis dans les jambes, tout comme nous, les incitant à aller danser. C’était parfait. Quatrième bonheur. Vers 23h30, Fatima nous saluait et nous terminions notre dîner. La suite s’enchaînera très vite pour terminer en apothéose …

Dîner du 31 décembre, à la bougie et en musique. Ah ! Le petit vin blanc, qu’on boit sous la tonnelle …

Il y a peu à dire, les photos sont parlantes. Nous avons transgressé les règles. Nous avons dansé jusque tard dans la nuit, pieds nus sur le sable et dans l’eau, ballotés par les vagues.

Les lumières des projecteurs balayaient des visages extatiques et habités par Sarasvatī, déesse des arts et de la musique, ainsi que des corps en mouvement permanent débordant d’énergie et de vitalité, dans cette discothèque éphémère à ciel ouvert. Nous nous sentions happés dans un tourbillon humain emporté par un DJ diffusant une musique électro-rock-house-funk indienne que nous avons adorée.

Ça se passe de commentaires.

Nous nous sommes laissés emporter par ce tourbillon de vie, de bonheur et de plaisir jusqu’au bout de la nuit. Dans cette foule sans retenues autant imbibée que nous en alcool, nous avons dansé comme cela ne nous était pas arrivé de longue date. Odeurs. Surtout de joints. Evaporées, emportées par le vent. Transpiration. Les chemises et les tee-shirts collaient à la peau. Contacts. Des groupes de jeunes hommes ondulaient sensuellement avec nous, autour de nous, rares touristes. Nous avons retrouvé le beau réceptionniste et notre masseur, joyeux autant que nous l’étions. Quelle belle ambiance, la meilleure de toute la plage !  #onestfous

No comment …