
Le sud en a subi des retombées inhabituelles pour la période ; ciel sombre, intempéries et vents impétueux.
Cet article est l’assemblage d’un extrait d’article agrémenté de mes commentaires, de correspondances avec ma famille et d’expressions de sentiments, regards introspectifs. Le fil conducteur est le confinement que nous subissons dans sa forme la plus brutale – et la plus controversée – depuis mars 2020. Afin de comprendre les mécanismes du changement qui s’opèrent en nous et en moi plus précisément, je me suis mis en retrait, presqu’invisible physiquement, afin de mieux appréhender la situation, de prendre de la hauteur pour mieux voir ce qu’il se passe en bas sur terre. Le Temps a fait son œuvre – le virus aussi – d’abord imperceptiblement puis de façon obstinée et évidente en crescendo. Nos habitudes, notre mode de vie, les relations aussi bien que les états physique et psychologique ont été modifiés dans la durée, se sont distordus comme si nous étions devant des miroirs déformants à la fête foraine. Je ne suis pas un coureur de fond et je ne tiens pas le marathon.
Nouvel espace de travail … … d’Éric. Mon outil de communication
aux autresMon « espace » de vie, fenêtre sur le monde. Mon « espace » bien-être.
Ce tapis de yoga est ma planche de salut.
La pandémie nous met à rude épreuve, nous confrontant avec qui et ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes. C’est une révélation et une résurgence de ce qui est enfoui au plus intime de notre être. L’espace de vie qui était un lieu de confort et de bien-être devient un enclos ceint de hauts murs que l’on a du mal à traverser, à renverser ou à abolir, des obstacles qui restreignent notre vision du monde et que l’on pense ne plus pouvoir franchir. Cependant, force est de constater que ces barrières infranchissables n’existent pas réellement mais ne sont que l’œuvre de notre propre construction mentale. Ce que l’on construit peut-il être détruit alors que l’on se bat chaque jour, à chaque instant ? On repousse, on s’y cogne, on gesticule férocement et à la fin, on s’y adosse, épuisé pour finir par se coucher, vaincu. La bataille contre soi-même a commencé et dure depuis plus d’un an. Nous sommes au quatrième mois de la saison chaude. Elle nous plonge dans une moiteur permanente affleurant des températures de 38°C quotidiennement qui gagne du terrain sur notre énergie. Le recours aux activités mentales est perçu comme une planche de salut – branche sur laquelle on est assis, encore faut-il l’être du bon côté – à laquelle on se raccroche avec l’espoir de recouvrer nos forces, notre tonus et notre énergie.

Les grandes lignes de l’article « A workout for your mental health » (Un entraînement pour votre santé mentale) d’Elizabeth Bernstein pour le Wall Street Journal en date du 17 janvier 2021 agrémenté de commentaires personnels, en couleur ci-dessous.
Afin de réguler leurs émotions, aider à réduire leur stresse, beaucoup se tournent vers les thérapies, font des exercices physiques, méditent et/ou adoptent un régime alimentaire sain. Que ce soit à raison de cinq minutes ou une heure par jour, s’appliquer à ce à quoi on s’est fixé, être proactif, est sain pour notre santé mentale. On connaît les bienfaits du sommeil [le mien est toujours mouvementé, en dents de scie, parfois chaotique, traversé par un flot d’images, de pensées ininterrompues comme si tout « ces bolides » étaient embarqués sur une autoroute déjà encombrée]. S’imposer des routines est censé donner du sens à sa vie. Se lever à la même heure tous les matins, se doucher, s’habiller, prendre son petit déjeuner, manger aux heures régulières, tout cela crée un sentiment de prévisibilité dans un monde qui peut sembler hors de contrôle [c’est un peu raccourci, me semble-t-il. Qui ne fait pas cela ? Est-ce bien suffisant ?]. Les spécialistes conseillent de calmer son esprit [merci, je veux bien la recette !]. Le yoga, la méditation voire la prière, la respiration aideraient à le calmer [je le fais chaque jour, je m’y tiens mais pas mon esprit]. Ce qui suit est plus intéressant. Surveiller son langage, les mots que l’on utilise donnent une indication de la couleur de notre esprit. Remplacer le « brutal » par du « cool » permettrait de mieux se contrôler et donc de contrôler ses émotions [pour cela aussi, j’ai du mal et j’ai une tendance, confirmée par certains, à m’emporter rapidement]. La compassion envers les autres mais aussi envers soi rend plus heureux, plus motivé et plus résilient [je suis souvent méchant avec moi-même et je sais qu’il faudrait que je me traite mieux, que je sois plus gentil et plus compréhensif. J’essaie de suivre ce principe]. Lorsque je repère une situation difficile ou douloureuse, je parle à moi-même, à haute voix, comme je le ferai avec mon meilleur ami [cela tombe bien, étant du signe astrologique des Gémeaux, j’ai tantôt un meilleur ami à qui parler, tantôt un meilleur ennemi avec qui me disputer. Dans les deux cas, c’est un atout et cela m’aide]. Enfin, cultiver des relations solidaires est émotionnellement plus sain. Contacter une personne par jour, ami ou famille, discuter d’autres choses que des nouvelles accablantes, tristes ou même horribles et rester ouvert, évite de se sentir vulnérable. Etre reconnaissant envers ceux que l’on aime et le dire et si je suis ennuyé par quelqu’un, trouver au moins cinq choses chez lui/elle qui me fait l’aimer/l’apprécier [je n’ai pas encore essayé cela mais l’idée me tente].
Correspondances (extraits)
27/05/2021
Comme vous le savez déjà, nous sommes confinés ici depuis le 10 avril avec des magasins dit essentiels ouverts le matin de 6 heures à 11h30 jusqu’à la fin du mois. Cette mesure a été prolongée du 10 au 24 mai, puis renforcée puisque nous sommes en confinement total jusqu’à la fin du mois. Tous les magasins sont fermés, y compris l’alimentation. Le weekend précédant cette annonce du gouvernement du Tamil Nadu (à l’instar de Delhi, Mumbai et Kolkota), j’ai dû me précipiter pour faire quelques courses. A la fin de ce weekend, une nouvelle annonce officielle informera sur l’arrêt ou la prolongation de ces mesures. Éric travaille toujours à la maison et c’est plutôt bien même si c’est contraignant pour moi. Il est en visioconférence tous les jours et je dois me faire discret puisqu’il est installé dans l’espace commun, la salle à manger étant le seul endroit où il peut être installé. Mais on s’accommode, il le faut bien. Nous ne pourrons pas avoir notre 2nde injection du vaccin indien. Il y a pénurie et le délai, à ce jour, est de 4 mois entre les deux doses. On va tenter la France mais ce n’est pas gagné du fait de notre 1ère injection en Inde. Nous avons dû réorganiser notre voyage (Air France et IndiGo – compagnie indienne de vols intérieurs – et billets de train). Mon vol retour a été repoussé d’un jour, soit le 30 août. Si cela me fait bénéficier d’un jour supplémentaire en France – je ne vais pas m’en plaindre – je dois modifier à nouveau mon billet de train et mon vol intérieur Bangalore-Chennai (Air France ne part que de Bangalore, Bombay et Delhi). C’est franchement pénible et cela nous stresse beaucoup. On a vraiment hâte d’être en vacances, d’être ailleurs, chez nous, en France. C’est bientôt. Et même si les procédures au départ sont très contraignantes, on se dit que l’on part bientôt.

29/05/2021
C’est mon heure. Il est presque 6 heures du matin chez vous … et L., tu dois être déjà réveillée en train de boire ton café sur un coin de table dans la cuisine, au calme. Ici, à presque 9h30, je reviens déjà de chez le vendeur ambulant à vélo à qui j’ai acheté quelques produits frais disponibles. Il était temps car le frigo est vide. Le vendeur était à 200 mètres de chez nous. Je l’ai eu de justesse, un peu par hasard quand je suis descendu dans la rue juste pour voir. J’étais un peu hagard et tout juste sorti du lit. La chaleur m’a saisi et, pendant une fraction de seconde, la respiration m’a manqué. Nous avons appris hier que le confinement total était prolongé d’une semaine jusqu’au 31 mai. TOUS les magasins sont donc fermés. Le gouvernement du Tamil Nadu a autorisé quelque 2500 vendeurs ambulants à vendre les quelques fruits et légumes qu’ils peuvent transporter sur leur bicyclette à plateau ou leur petite camionnette, c’est à dire très peu ; des oignons, des tomates, des poivrons, des haricots verts, du chou blanc, des carottes, des pommes de terre, des betteraves crues, des brinjals (petites aubergines indiennes) et des drumsticks (sorte de long haricot épais à peau très dure), des bananes, des noix de coco et des pastèques, du gingembre. Le temps de revenir à la maison, mon tee-shirt était tout mouillé mais mon sac était plein ! Maintenant, reste à savoir comment je vais accommoder ces légumes. Ah ! La cuisine commence à être un vrai casse-tête ! Éric dort toujours (il a eu une semaine éprouvante et il semble épuisé). Je bois un café, tout comme toi, L. au calme mais dans la moiteur. On se croirait à la campagne et il n’y a bien que cela qui soit appréciable. Je redoute un peu quand même cette nouvelle semaine d’enfermement. Vivre ce quotidien devient difficile. Heureusement, je me raccroche à la perspective proche de notre retour en France. Nous avons, à ce propos, changé pour la 3ème fois notre billet d’avion du retour. Nous avons appris qu’Air France mettait en place des vols directs CDG-Chennai à partir du 1er juillet. Avec un supplément, nous avons donc choisi un retour direct. Nous perdons quand même les deux billets retour Bangalore-Chennai. Tant pis ! Nous privilégions le confort et la sécurité pour éviter une correspondance, une longue attente à l’aéroport et une arrivée chez nous le jour d’après. Il semblerait que l’on puisse se faire vacciner via l’ambassade avec Moderna, compatible avec Covishield. Éric a pris un RDV pour le 19 juin à Chennai. Pour rappel, il y a pénurie de Covishield, et notre 2nde injection, prévue initialement entre fin mai et début juin a été reportée aux calendes grecques. Par ailleurs, nous avons contacté chacun notre médecin. Le professeur G. a organisé pour nous une vaccination dans un centre de santé à Paris le 5 juillet. Il sera toujours temps d’annuler si nous sommes vaccinés le 19 juin à Chennai. Voilà ce que j’avais à vous dire ce matin. ps : 9h50, le « maharaja » vient de se lever et il vous embrasse bel et bien … Bonjour et bonne journée.
Petit déjeuner : muesli aux fruits frais,
thé noir du Assam, jus de fruits maisonDîner : garam massala de pois chiches, soupe dahl aux brinjals (aubergines), galettes parathas
01/06/2021
Il est 6 heures du matin chez vous, 9h30 ici et je me sens écrasé par la chaleur après avoir fait un « nettoyage de chat » à l’appartement. Notre femme de ménage subit le confinement et ne peut pas se déplacer, même avec un epass, faute de transports en commun. A vivre en Inde, on apprend vite qu’avoir une femme de ménage n’est pas un luxe. Beaucoup d’Indiens ont généralement du personnel de maison (femme de ménage, cuisinière, chauffeur). Je suis dans la chambre car Éric est en visio-réunion avec tous ses collègues repartis en Inde (Delhi, Mumbai, Kolkata pour le nord du pays plus lui-même pour tout le sud). Hier, nouveau changement pour le retour d’Éric. Son vol a été avancé au 15. Gros coup de déprime de voir ses vacances tronquées. Mais après avoir contacté Air France et modifié ses congés auprès de sa cheffe, il a obtenu un CDG-CHENNAI direct le 22 juillet. Ne reste plus qu’à changer le billet de train. On va finir par y arriver … Concernant la 2nde injection du vaccin et après avoir contacté le médecin de l’ambassade, le délai entre Covishield et Moderna est de 12 semaines entre les deux doses ; il ne nous est donc pas possible d’en bénéficier. Nouvelle déception. M. G. m’a répondu. Le RDV est fixé au 5 juillet pour une vaccination avec Moderna. Le confinement total a été prolongé d’une semaine jusqu’au 7 juin. Tous les magasins restent fermés sauf les vendeurs de rues qui font un foin pas possible pour s’annoncer. Mani, notre watchman, remplace Prasat, notre gardien attitré toujours coincé au Népal. Il me prévient par l’intermédiaire de l’interphone quand un vendeur est dans la rue (je ne comprends pas les annonces en tamoul qui sortent des haut-parleurs). Une nouveauté, mon primeur s’est installé sur le trottoir juste en face de son magasin fermé. J’y suis en deux minutes en scooter. Hier, je me suis fait arrêter par la police alors que je m’arrêtais à un feu de circulation. Bala ne m’a pas laissé les papiers du véhicule. Il a suffi que je présente le laisser-passer du ministère indien et celle du consulat de France pour que l’agent me laisse partir sans même avoir regardé le passeport que je lui tendais. Triste nouvelle, le père de Bala est décédé de la COVID avant-hier. La crémation a eu lieu hier. Il avait 69 ans. Bala est au village bien sûr. Il ne peut y avoir plus de 25 personnes pour les crémations alors qu’en Inde, ces événements regroupent généralement plusieurs centaines de personnes. Voilà ce que je pouvais vous dire aujourd’hui.
C’est « mon » arbre juste devant la fenêtre de la cuisine. Il est en fin de floraison mais il grouille de vie Un homme dans l’arbre arrache à mains nues de jeunes branches afin d’aérer le feuillage.
Regards sur mon arbre
L’écureuil funambule fera, sans doute, une pause sur le rebord de fenêtre de notre salle-de-bains.
Le matin, je regarde par la fenêtre ouverte de la cuisine le bel arbre élancé à quelques mètres devant moi. J’ai l’impression d’être dans le feuillage, à couvert. Il déploie de grosses grappes de fleurs jaunes qui pendent sensuellement. A cette période, il est en fin de floraison et ce qu’il perd en flamboyance, il le gagne en feuillage touffu d’un beau vert clair. Le spectacle reste très beau. Toute une vie frémit dans ses branches, le rituel des animaux. Divers oiseaux viennent s’y poser ; les pigeons qui arrachent des brindilles pour leur nid, les mainates, souvent en couple, s’y reposent le bec largement ouvert ou jacassent à n’en plus finir ; sérénade reprise en fin de journée, les perruches de Malabar qui s’amusent autour des fils électriques, sans compter les corbeaux qui croassent sans cesse. La légère brise balance le feuillage. Elle le rend vivant. Un câble le traverse. Il court jusqu’à une résidence toute proche. Un écureuil y joue les funambules, agile, alerte, rapide. Cela m’amuse de le voir chaque matin. C’est peut-être lui qui vient se réfugier sur le rebord de la fenêtre de la salle de bains. Il est souvent là quand je me douche, blotti contre le verre cathédrale. A 7h30, tout est calme et les rares coups de klaxon perturbent à peine cette quiétude. La rumeur de la circulation est faible. Et que l’on ne s’y trompe pas, la physionomie de la ville a changé au rythme de nos habitudes perturbées. J’observe, et comme les Indiens, je veux savoir ce qu’il se passe autour de nous. Je regarde les terrasses de fin d’après-midi pour savoir qui est toujours là à tourner en rond ou en rectangle. Je regarde le linge suspendu et qui sèche. Je remarque que des portes-fenêtres ici et là ne sont plus ouvertes le matin et le soir, indiquant que les occupants sont partis. Le vieux couple au chien aboyeur en face de chez nous a déserté sa maison depuis plus d’un mois. J’ai appris ce matin par les ragots tam-tam qu’ils se sont réfugiés à l’étranger. Fuir la ville comme les rats quittent le navire dont le capitaine sera le dernier à partir ou le premier à mourir. Les gens autour de chez nous sont partis, ils ont quitté la ville précipitamment, évitant l’épidémie et la contagion. Cela ajoute à l’irréalité de la situation.

Une porte de sortie
Mais bientôt, nous nous éloignerons de ces préoccupations, je sortirai le nez enfoui dans mon nombril depuis bien trop longtemps et regarderai au-dessus de la canopée pour voir plus loin un horizon qui s’élargit, prend du champ dans un cadre de verdure qu’est la Normandie. J’irai au bout de la ligne de fuite, mettrai les choses en perspective et, pendant un temps, je me détacherai d’ici pour m’ancrer là-bas, chez nous et goûter comme un vent de liberté.