ਅੰਮਿ੍ਤਸਰ (Amitasara)
Le Penjab est la patrie des Sikhs indiens. Amritsar, au nord, y a sa sœur bannie, Lahore au Pakistan, à quelque 50 kilomètres. Nous sommes arrivés à notre hôtel, le Ramada, au cœur de la vieille ville, vers 21 heures. Nous voulions d’abord dîner rapidement pour nous rendre ensuite au temple d’or, le Gurudwara Harmandir Sahib. Vu l’heure tardive, nous nous sommes précipités dans un restaurant bondé dans lequel il y avait une agitation folle. Nous avons pensé que c’était bon signe et qu’il devait avoir une bonne réputation. On se serait crus dans un film à vitesse rapide et on aurait cru entendre un disque microsillon 78 tours. Les chaises passaient d’une table à l’autre raclant le sol ou passant au-dessus des têtes. On compactait des familles de 8 personnes sur des tables de 6, on s’asseyait à 3 sur 2 chaises. Le tableau était indescriptible, le niveau sonore insupportable. A l’entrée, nous ne savions que faire ; rester et attendre ou ressortir. Mais quitter ce lieu semblait impossible tant il y avait de monde derrière nous à espérer être placé. Nous avons donc attendu qu’un serveur charitable nous remarque et nous attribue une table que nous avons partagée avec une famille. Leur bébé était juché au milieu des plats sales. La grand-mère édentée nous a souri et l’on a vite commencé à se parler. Derrière nous, une jeune femme s’est retournée et a engagé la conversation avec Éric. Très vite, elle nous a dit que c’était l’endroit où il fallait venir manger, tout en nous recommandant un autre établissement pour le petit-déjeuner. Dans les deux cas, nous nous sommes régalés d’un chaana dahl massala (curry de pois chiches et lentilles) accompagné de kulcha (merveilleux petits pains légèrement levés) et le matin, nous avons bu un délicieux lassi bien épais et très sucré (boisson à base de lait fermenté). Rassasiés et estourbis, nous nous sommes dirigés vers le temple d’or.

Premières règles : on se déchausse et on laisse ses souliers au chappal stand (comptoir aux sandales). Ensuite, on se couvre la tête et à défaut de turban, on nous impose un foulard orange imprimé du nom du temple. Ce n’est pas très seyant mais c’est obligatoire.

Premières impressions : à minuit, dans le nord de l’Inde, le sol en marbre est très froid quand on est pieds nus et on n’est pas mécontents de porter un châle autour des épaules. Nous avons descendu la volée de marches qui nous amenait au niveau du bassin et là, nos yeux se sont écarquillés. Une féérie.
Le temple d’or semble posé sur l’Amrit Sarovar, le bassin du Nectar, creusé en 1577, dans lequel les pèlerins du monde entier viennent se baigner. Ce joyau tout de marbre et d’or se reflète dans les eaux sacrées du bassin.


Les non-Sikhs n’ont aucune chance d’y tremper le bout d’un orteil même s’il est dit qu’elles ont des vertus thérapeutiques ! Une ambiance de recueillement naturel. Un flot ininterrompu de personnes tranquilles. Des dormeurs. Des baigneurs. Des gens en méditation ou en prière. A minuit passé, le temple regorgeait de monde. Les dormeurs se tenaient prêts à entrer les premiers dans le sanctuaire dès l’aube. La jeune femme que nous avions rencontrée plus tôt nous avait prévenus qu’il nous serait impossible d’y accéder au petit matin. Nous ne l’avons pas crue, nous disant que nous serions sur place bien assez tôt – pour nous – dès 5h30. Elle avait raison. A cette heure-ci, il y avait déjà plus de cinq heures d’attente avant d’atteindre le sanctuaire accessible dès 4 heures et les gens dans la file étaient serrés les uns contre les autres. Mission impossible et dangereuse.
Nous avons donc observé et attendu le lever du soleil sur le temple et nous avons été éblouis, comblés. L’animation était intense. Devant le bassin, des hommes de tous âges se dévêtaient presque impudiquement, ne gardant qu’un caleçon et s’immergeaient après une brève prière. Certains grelottaient mais tous ressortaient sereins comme s’ils avaient accompli une bonne action.
Derrière le mur blanc, le bassin des femmes
Les femmes se pressaient également pour se baigner. A la différence des hommes, on ne les voyait pas car la partie leur étant réservée était cachée de la vue de tous.
Des jathhedar (gardes) en robe bleue, un long bâton surmonté d’une pique à la main, surveillaient tout ce monde, arpentant sans cesse le bassin. Au petit jour, des Sikhs, employés du temple ou volontaires accomplissant une action de grâce, plongés jusqu’aux cuisses dans l’eau froide du bassin, brossaient les marches en marbre immergées. D’autres nettoyaient les tapis antidérapants autour de la pièce d’eau et lavaient le sol afin de garder des conditions d’hygiène suffisantes. L’était-ce assez ? L’intention compte.
A l’étage des bâtiments d’enceinte, des gourous psalmodiaient des prières d’un ton incantatoire dans les petites pièces réservées à cet effet. A tout moment, les pèlerins peuvent « commander » des offices à titre privé en échange de dons.

C’est depuis l’une de ces galeries que nous avons vu le soleil se lever sur le temple, la lumière s’éclaircir, les couleurs changer, les contours devenir flous et les 750 kg d’or du dôme du temple s’embraser. Je supportais bien mon châle, nos pieds étaient toujours glacés mais l’on commençait à sentir la douceur du soleil qui bientôt nous réchaufferait. Le passage dans les cuisines nous a valu d’être mis à contribution par un grand Sikh barbu dont la tête était ceinte d’un turban blanc enroulé à la hâte, portant un pyjama (pantalon en coton léger) blanc et court et un tricot de corps blanc largement ouvert sur sa poitrine velue. Une presque nudité, mais ne doit-on pas être à l’aise ici, à moins qu’il ne soit sorti du lit précipitamment ? Tout ce blanc contrastait merveilleusement avec le sombre de sa peau et la noirceur de ses poils. D’un signe de tête, il nous a invités à nous assoir et à badigeonner des chapatis avec du ghee (beurre clarifié) qui s’amoncelaient sur une grande table basse autour de laquelle une dizaine d’hommes et de femmes étaient occupés à cette tâche.

Aucune question, aucune différence. Nous étions juste nous, là, tout comme eux à suivre un principe de charité et d’hospitalité cher aux Sikhs. Tâche sans fin. Les chapatis arrivaient tout chaud et à un rythme incessant dans de grands paniers mais après quelques centaines de badigeonnages et des hésitations, nous nous sommes levés, avons salué tout le monde d’un signe de tête, on nous a souri en retour en un signe de remerciement et nous sommes partis. Au-dessous des cuisines, dans le Guru-Ka-Langar, l’immense réfectoire, on accueillerait et servirait activement plus de 100 000 repas gratuits par jour dans un service non-stop.

दिल्ली, (Dillī)

Old Delhi, c’est toujours le chaos ! Je m’amuse de m’y trouver au centre … pour un temps ! J’ai réellement vu des piétons furieux contre des véhicules, surtout des deux roues et des auto-rickshaws qui forcent et bouchent les passages. C’est assez insupportable !


Trois des quatre jours à Delhi ont été consacrés au tourisme pour moi et au travail pour Éric. Nous sommes arrivés à notre hôtel – résidence à chacun de nos passages – The Claridges le dimanche soir, épuisés et estourbis par le voyage en train depuis Amritsar. Je m’arrêterai sur la journée du 11 novembre, fériée, que nous avons passée ensemble. Notre vol de retour à Chennai étant prévu vers 20h30, nous avions toute la journée pour flâner. Mais, ombre au tableau, ces journées ont été marquées par des conditions atmosphériques calamiteuses. En effet, la métropole indienne enregistrait les 11 et 12 novembre son pire indice de qualité de l’air de la saison, soit 471 sur une échelle de mesure de 500. Nous étions dans un brouillard irrespirable causant maux de tête, nausées et fatigue et cela nous a rappelé notre arrivée en Inde en novembre 2019 quand nous avions été pris à la gorge – et ce n’est pas une image – par la pollution dès la sortie de l’avion. Il aurait presque fallu porter un masque anti-pollution au-dessus du masque anti-covid ! Vous voyez un peu le tableau ! Après les formalités de départ de l’hôtel, nous avons pris le métro pour nous rendre au musée National. Il y a une très belle collection de statues en bronze et en pierre et malheureusement, sans surprise, beaucoup de salles étaient fermées.
Du centre de la ville, nous nous sommes dirigés vers le sud pour aller au Qûtb Minâr, la tour de la Victoire, le plus ancien minaret de ce genre en Inde et le 3ème au monde construit entre 1192 et 1368.
A cette date, il atteint une hauteur de 72 mètres pour un diamètre de 14 mètres à sa base et 3 mètres au sommet. Richement travaillé, ce minaret est une véritable merveille et alterne le grès rouge et le marbre blanc. A ses pieds, les vestiges de la toute première mosquée en Inde ainsi que des ruines de son extension comportent de très belles galeries aux nombreux piliers récupérés de temples hindous et jaïns. Près de la mosquée, sur une grande esplanade, nous avons été surpris de découvrir une colonne en fer vieille de 1600 ans ayant résisté à la corrosion dédié à Vishnou.
D’une hauteur de près de 7 mètres, elle résiste au temps et, hindoue, elle s’impose par son âge et sa raideur au pouvoir musulman qui l’entoure. Satisfaits de cette visite nous nous sommes dirigés vers l’aéroport pour apprendre que celui de Chennai avait fermé à cause des intempéries qui ravageaient le Tamil Nadu, annulant ainsi notre vol. Nous avons été reportés sur un vol à 23 heures qui, lui, a été retardé de deux heures nous faisant atteindre Chennai à 4 heures du matin !