Penjab : Épisode 1

En voiture Simone !

Allez, soyons un brin aventureux ! Depuis Delhi nous avons choisi le train comme mode de déplacement. Bien nous en a pris, nous avons été infichus de réserver des billets en ligne ! Résultat, après plusieurs tentatives qui m’ont bien énervé, nous sommes passés par une agence, ce qui est, du reste, assez commun en Inde. Les billets reçus, il a fallu en comprendre les contenus et pour cela, je vais vous faire un petit résumé des catégories de ce moyen de transport très populaire et relativement peu onéreux selon la classe. Décryptage : trains express longues distances de jour en places assises (Shatabdi) ou trains express longues distances de nuit en couchettes (Rajdhani) et tous les autres trains (passenger trains), nos TER, pour les liaisons locales qui s’arrêtent partout.

  • 1 A/C : 1ère classe climatisée. Au moment de notre réservation, il n’y avait plus de place de disponible. 1047 ₹ pour 100 km.
  • 2 A/C – 2-Tier : 2ème classe climatisée. 4 couchettes sur 2 niveaux dans des compartiments ouverts. Les couchettes deviennent des banquettes pour les trajets de jour. Nous avons fait le trajet de Delhi à Chandigarh dans cette catégorie. Du coup, dans un compartiment, nous n’étions qu’Éric et moi et peut-être 20 passagers dans tout le wagon. 4h30 de voyage pour 260 km, 613 ₹ pour 100 km.
  • 3 A/C – 3-Tier : 2ème classe climatisée. 6 couchettes sur 3 niveaux dans des compartiments ouverts. Le guide dit qu’ils sont très fréquentés par les familles indiennes et je peux vous affirmer que c’est absolument vrai. Trajet d’Amritsar à Delhi, 450 km en 6h30 dans un capharnaüm incroyable et un bruit incessant. Il faut faire appel à sa plus grande indulgence et à sa zénitude pour ne pas péter un câble ! Mais c’est ici que l’on échange avec ses voisins et que l’on est au plus près des Indiens. Les comportements sont aussi très instructifs. 428 ₹ pour 100 km.
  • ECC, Executive chair : fauteuil confortables inclinables en voitures climatisées.
  • CC, A/C Chair : comme l’ECC en moins luxueux. C’est ce que nous avions pour le trajet de Chandigarh à Amritsar de 4h30 pour 250 km. Bruyant mais confortable. 205 ₹ pour 100 km.
  • SL – Sleeper class : couchettes sur 3 niveaux dans des voitures sans porte ni climatisation … mais les fenêtres s’ouvrent !
  • II/SS ou 2S, 2ème classe sans réservation avec des sièges en plastique ou en bois, un monde de « ouf » et des prix battants toute concurrence, 48 ₹ pour 100 km !

Les indications de classe sont mentionnées en gros caractères peints sur chacune des voitures.

Voiture 2ème classe sans réservation. Et pour preuve, les fenêtres s’ouvrent !
Le préposé nettoie au jet les sanitaires du train.

Il faut un peu de temps pour se repérer dans les gares, mais de fait, les trains sont très bien indiqués. Et si l’on ne comprend pas les assourdissantes et incessantes annonces, les agents ou des voyageurs aident volontiers. D’ailleurs, des Indiens eux-mêmes nous ont demandé s’ils étaient sur le bon quai ! Une fois à sa place dans son compartiment, chacun y va de son smartphone et donne de la voix pour couvrir la voix des autres. Qui parle pendant des heures, qui regarde un film, qui joue à un jeu, qui écoute les informations. Il faut ajouter les enfants qui hurlent et qu’on laisse hurler parce qu’on est occupé ailleurs. Personne n’utilise d’écouteurs et ce joyeux mélange de sons crée une telle cacophonie qui ne semble gêner quiconque, sauf moi !

Nous avons quatre bananes et deux bouteilles d’eau pour tout repas. Un peu plus tard, je descendrai du train dans une autre gare et achèterai un curry de pois chiches et deux petits pains qui rempliront notre estomac !

Sur le quai de notre train en gare de Chandigarh, nous avons engagé la conversation avec un jeune homme accompagné de sa femme et de leur fils Akshar. Celui-ci était malade du voyage en avion qu’ils venaient d’effectuer. Éric proposa alors aux parents des bonbons à la menthe. Rien n’y a fait, il a vomi. Et pendant que la mère s’inquiétait de leur fils, le père, Rajesh, nous a questionnés comme le font les Indiens. Tout sourire. Nous lui avons retourné les questions, à l’indienne, tout sourire également. Autour de son cou, comme son fils, un collier en perles de bois orne sa poitrine. Il sort le collier pour que nous le voyions mieux. Sur un double rang, les toutes petites perles sont enfilées sur un simple fil de coton. Ce n’est pas un ornement esthétique. Ce kanthi sert à réciter des mantras et se compose de 108 grains. Deux semaines plus tard, nous recevions deux de ces colliers, acheminés par la poste, et dans l’enveloppe, deux dessins faits à la hâte par Akshar dont l’intention amusante ne trompe pas. Nous avons été très touchés par cette marque de sympathie.

ਚੰਡੀਗੜ੍ਹ (Caḍīgaṛha)

Arrivés à notre hôtel, le personnel était en prière et en dévotion lors d’une pooja.

Dans l’état du Penjab on parle le penjabi, une autre des langues officielles indiennes. Nous sommes dans l’Inde du nord. L’écriture ressemble au hindi et n’a rien à voir avec les graphies des langues du sud. A titre d’exemple, voici le mot « Chennai » en tamoul, telougou, penjabi et hindi.

Chennai – சென்னை (Ceṉṉai) – చెన్నై (Cennai) – ਚੇਨਈ (Cēna’) – चेन्नई (chennee)

Avant la Partition de 1947, Lahore était la capitale de l’immense état indien du Penjab. Après cette douloureuse séparation, le Penjab indien s’est trouvé, de fait, sans capitale. Le projet pharaonique du Premier ministre Nerhu était de faire sortir de terre la première ville nouvelle, Chandigarh, spectaculaire, cosmopolite et unique, vitrine d’audace, de prospérité, de modernité et de confort. Dès 1950, l’architecte franco-suisse Le Corbusier fut choisi et érigea les bâtiments dans son matériau favori, le béton armé. De larges avenues délimitent les quartiers, plus de 50 secteurs, qui sont des lieux de vie indépendants les uns des autres, calqués sur le même modèle. Chaque secteur se compose d’une instance de l’administration, de la poste, d’écoles, de commerces, d’un jardin public et d’habitations. Au nord de la ville, la tête pensante, le Capitol Complex, patrimoine mondial de l’Unesco. Y sont répartis sur une immense esplanade les bâtiments administratifs comprenant la Cour suprême, le Vidhan Sabha (Assemblée législative) et le Secrétariat, sorte de Conseil régional chez nous. La sculpture de la main ouverte (Open Hand) dessinée par Le Corbusier, érigée 20 ans plus tard, deviendra le symbole de la ville.

Avec Neha sur le parvis du Capitol Complex devant la monumentale porte peinte par Le Corbusier

L’Alliance française de Chandigarh a mis à notre disposition une guide fort sympathique, Neha, professeure de français et un chauffeur. Elle est originaire de Chandigarh et l’on a senti chez elle l’amour de sa ville. Enthousiaste et fière de ses racines, elle nous a emmenés sur les traces de Le Corbusier et son cousin architecte Pierre Jeanneret. Nous avons donc visité cette ville dans d’excellentes conditions sous un climat idéal : très beau dans la journée et fraîcheur en soirée (nos châles en cachemire, portés à l’indienne, étaient les bienvenus). Je ne ferai pas le détail de chacune de nos visites, les photos parleront d’elles-mêmes mais, avec une journée bien chargée, nous avons fait le tour de cette ville qui ne ressemble à aucune autre ville indienne, où l’on aurait presque l’impression de ne pas être en Inde si ce n’était de voir et entendre les gens. Cette année, le calendrier lunaire a placé Diwali, la fête des Lumières, le 4 novembre. Le dieu Rama rentre chez lui après un long exil. Tout va bien. Il rentre triomphant en fanfare. Cette fête se doit donc d’être bruyante puisque l’on fait éclater, pendant 5 jours et 5 nuits, des feux d’artifice et des pétards dans toutes les rues.

Les administrations sont fermées et ainsi, nous n’avons vu que de l’extérieur les bâtiments de la « tête pensante » de Chandigarh. Déçus mais impressionnés. Nous nous sommes glissés dans le chic secteur 3 de la ville. De magnifiques villas signées Le Corbusier et Jeanneret bordaient les rues calmes et propres. Certaines des nouvelles constructions imitent même le style Le Corbusier, comme quoi son influence marque toujours les bobos de la ville et les attire.

Le secteur 17 est celui de la consommation. C’est là que se concentre toute l’activité commerciale et sociale de la ville. Nous avons adoré le musée – et chambres d’hôtes au confort spartiate –  Pierre Jeanneret, le musée des architectes avec ses nombreux plans de Chandigarh, les « pièces ajoutées » à la ville, plus tard, par d’autres architectes, le Centre Le Corbusier montrant l’exposition de photographies très intéressante et la table sur laquelle les plans de Chandigarh ont été tracés, enfin le fabuleux musée des Savoirs (Knowledge Museum) avec ses très belles collections de sculptures anciennes en pierre et en bronze, de textiles, de peintures contemporaines et de miniatures, le tout abrité sous un bâtiment en béton dont la hauteur donne le vertige.

Avec le directeur du Centre Le Corbusier
L’arrière du Knowledge Museum
La rampe mène au niveau supérieur.
Shiva et Parvati … version contemporaine

Neha nous a invités à déjeuner chez Gopal’s, un coffee shop où, au rez-de-chaussée, on peut acheter de délicieuses pâtisseries indiennes et toutes sortes de noix joliment arrangées dans des coffrets-cadeaux. Nous nous sommes régalés d’un chhole bhature (pain plat frit accompagné d’un curry de pois chiches épicé et savoureux). Le soir, elle nous avait recommandé le restaurant Dastaan dans le secteur 37, proposant des golgapa ou pani puri, amuse-bouches dans lesquels on verse une eau sucrée aromatisée, snacks street food par excellence que tout Indien qui se respecte adore. Là, on y sert des alcools et des spécialités trop copieuses et délicieuses dont une glace à la rose et à la feuille de bétel. Deux musiciens en tenue jouaient sur des instruments traditionnels. Un moment suspendu dans un joli cadre à ambiance tamisée.

Avant notre départ en train pour Amritsar, nous avons fait une promenade matinale autour du lac artificiel Sukhna créé par Le Corbusier, encore lui, et sur lequel il a fait du pédalo avec son cousin. Et pour terminer ce séjour, une déambulation dans le délirant Nek Chand Rock Garden, univers surréaliste et labyrinthique tout en canyons en béton, de cascades encadrées de faux arbres aux racines géantes et d’une multitude de figures zoomorphiques et anthropomorphiques faites de bracelets en verre coloré ou de débris de céramiques ; un jardin qui n’est pas sans rappeler celui du Facteur Cheval.

Un peu de vraie végétation parmi beaucoup de matériaux de récupération.
Et les deux belles plantes, c’est nous !!!

2 réponses sur “Penjab : Épisode 1”

  1. Je laisse un commentaire pour les deux belles plantes qui poussent bien !
    Je ne connais pas cette ville, mais j’ai vu un reportage à la tv il y a peu. ca change des autres coins de l’Inde !
    Et le train ! Quelle expérience ! Ca aussi , ça m’a marqué !
    Je voyageais dans le compartiment des femmes, qu’il fallait réserver longtemps à l’avance. Sinon, je n’étais pas vraiment tranquille !
    Gros bisous à vous deux et à bientôt (je pense à toi Christian, j’ai encore un rhume moi aussi, – on n’est plus habitué à d’autres bobos que le Covid !-)
    Patricia

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