*Slogan pour les chewing-gums (1957)

J’aimerais être Idris Maymoun Samataar Gulid, « l’éternel voyageur qui cherche la mesure de la Terre et de l’homme », personnage principal du merveilleux roman de l’auteure indienne Anita Nair Dans les jardins du Malabar, Albin Michel, 2016.

Les Hollandais arrivent en 1595 puis contrôlent la ville dès 1663.
On peut remarquer les backwaters.
Idris, marchand itinérant somalien, voyage dans l’actuel Kerala au XVIIème siècle, vit une série d’aventures à la rencontre des hommes, entretient le mystère grâce à son œil de verre et à travers lequel il « voit et sent les choses », aime avec passion, sensualité et volupté. Ces quatre petits jours à Kochi (Cochin) ne m’ont pas laissé le temps de vivre tout cela, ni à Éric.

Cet immense arbre est présent partout à Fort Kochi.


Une arrivée tardive à l’aéroport de Cochin nous laisserait la journée complète du lendemain. A noter que cet aéroport international est le premier de l’histoire à être alimenté uniquement par des énergies renouvelables.

Autre état, autre langue. Habitués au tamoul, le malayalam résonnera dans les rues. “Tamil Nadu” en tamoul : தமிழ்நாடு, “Kerala(m)” en malayalam : കേരളം

L’intense chaleur s’est collée à ma peau, me laissant transpirant, haletant, à la recherche d’air frais. Les déplacements en ville, les trajets les plus courts furent éprouvants. Par conséquent, nous nous sommes résolus à utiliser souvent les auto-rickshaws, et ils ont été une bénédiction !

C’est dans cette vaste baie que les Portugais débarquèrent au XVIème siècle, et à la tête de 200 hommes, Vasco de Gama sera considéré comme étant le premier colonisateur européen sur cette côte. Il mourra de la malaria après son troisième voyage en 1524 à Cochin, sera enterré dans l’église Saint Francis. Ses ossements transférés au Portugal en 1539, c’est donc son cénotaphe, simple pierre tombale, que nous avons vu.

de style hollandais

les éventails géants




On ne sait plus si c’est la mer d’Arabie qui a submergé les terres ou si fleuves, rivières, lacs et autres cours d’eau se sont répandus, formant un enchevêtrement de terre et d’eau. On ne sait plus bien ce qui relève de la mer salée et des eaux douces, mais l’ensemble est surprenant, fascinant et forme, à l’intérieur des terres, ce que l’on désigne par les backwaters, typiques du Kerala. Le ferry est le moyen le plus rapide et le plus économique de tous déplacements. Cochin est composé d’Ernakulam, la plus grande partie de la ville nouvelle, de l’île de Willingdon, plutôt industrielle avec son port, coincée entre Ernakulam et Fort Kochi qui elle, est la petite partie occidentale de la ville et la plus intéressante d’un point de vue historique ; architectures indo-portugaises, hollandaises et britanniques. C’est à la pointe nord de la presqu’île que nous avons séjourné.



La 4ème Biennale d’art (Kochi Muziris Biennale) se déroulera de décembre 2022 à avril 2023 après deux années d’annulation. De renommée internationale, elle accueille des artistes des quatre coins de la planète et laisse à Fort Kochi des témoignages artistiques qui s’intègrent à la ville. Nous avons pu voir apparaître un peu partout les affiches annonçant déjà cet événement d’envergure. Fort Kochi fourmillera alors d’artistes, d’expositions, d’installations, de happenings et la ville verra son potentiel économique assuré et sa renommée renforcée.









Au café-galerie David Hall (ci-contre et infra) : Exposition, installation par de jeunes artistes locaux.




Une promenade déroule un long ruban de pavés brûlants le long de la mer. On est enfin face à l’immense mer d’Arabie. Sur cette même latitude, loin devant moi si je me positionne face à elle, je peux imaginer, presque percevoir, la corne de l’Afrique avec la Somalie et le golfe d’Aden, le pays d’Idris de notre roman. Il regardera de sa haute stature, comme moi ce qui m’entoure, à travers son œil de verre les Malayalis (habitants du Kerala) et les Tamouls du Sri Lanka et détonnera avec sa peau sombre, plus noire que celle des Indiens. C’est sur cette promenade que nous nous sommes confondus avec les visiteurs indiens et les quelques touristes occidentaux.





Plusieurs fois remontée et descendue, nous avons salué les mêmes vendeurs de poissons nous proposant de nous les vendre, de nous les griller et, à nous de les manger (leur motto :You buy, we cook) ; gambas, crevettes de toutes tailles, calamars, thons, bonites, dorades, barracudas, espadons, rougets, vivaneaux et tant d’autres variétés inconnues de nous ! Sur un bout de plage, nous avons assisté avec étonnement au fonctionnement des carrelets chinois – et oui, les Chinois étaient venus dès le XIIème siècle, bien avant Vasco – actionnés par des cordages et de grosses pierres en contrepoids, plongeant l’immense filet à marée haute tandis qu’à côté, des pêcheurs démêlaient leurs filets sitôt quittés leur barque. Mais la pêche ne nous a pas semblé miraculeuse. Et partout, les vendeurs de bricoles, de babioles, des lunettes de soleil à quat’sous, des moulins à vent en plastique, des appareils à faire des pâtes de toutes les formes de la taille de jouets, vendeurs de glaces, de boissons fraîches et exotiques. Nous avons bu le célèbre kulukki Sarbath (https://youtu.be/-V1Uoz0LY8s), dont la préparation est moins spectaculaire que sur la vidéo mais surprenant et amusant, même si moins extraordinaire de goût.
Les Chinois, au XIIème siècle, arrivèrent avec leur technique de pêche connue aujourd’hui sous l’appellation carrelets chinois.
Technique de pêche plus artisanale. Pendant des heures et sous une chaleur de plomb, ces pêcheurs jettent leur filet au bord de l’eau pour parfois, sortir un petit poisson.
Sur la place Mahatma Ghandi et un peu plus loin à l’écart, sur Vasco de Gama, les vendeurs de noix de coco côtoient les auto-rickshaws qui attendent les clients tout près des jardins d’enfants à l’ombre des ramures des raintrees. Les troncs et les branches de ces énormes arbres à pluie (Samanea saman) hébergent des plantes parasites ; fougères, mousses, lichens, orchidées et nous profitions de leur couverture pour nous assoir sur des bancs. Nous regardions alors passer les amoureux en promenade, les ami.e.s qui se tenaient par la main ou par l’épaule, comme des amoureux. Ils discutaient vivement et riaient joyeusement. Des groupes de personnes plus âgées suivaient leur guide, chapeau ou parapluie sur la tête. Parfois, de grosses vagues venaient se fracasser et jetaient leur écume sur la digue à la surprise de chacun. Sur une petite plage interdite à la baignade, des jeunes entraient dans l’eau, tout habillé, et en ressortaient les bas de pantalons ou les salwar kameez, (ensemble pantalon et tunique pour les femmes) mouillés. Et tous riaient de cette bravade rafraîchissante. Tout cela avait un air de vacances dont nous profitions.




Chaque matin, nous allions prendre notre petit-déjeuner au café-galerie Kashi : sculptures dans un jardin joliment aménagé, mobilier contemporain, longues tiges d’encens à la citronnelle contre les moustiques et produits bio. Les jus étaient purs, les cafés bons et un grand choix de plats appétissants faisaient notre quotidien. Nous y retournions en général l’après-midi pour un rafraîchissement et un temps de repos bien mérité.


Le soir, nous nous régalions des produits de la mer préparés à la kéralaise ; curry à la noix de coco, masala et surtout le pollichathu du modeste restaurant Fusion Bay près de la cathédrale basilique de la Sainte Croix (Santa Cruz). Ce met à ravir les papilles est la spécialité du chef et consiste à faire cuire un poisson avec des épices et de la coriandre, enroulé dans une feuille de bananier. Du pur bonheur !


A droite, plat de crustacés grillés dans un restaurant de rue.




Enfin … pas quand on y était !

et l’hôtel restaurant Ginger House.
Ailleurs au Ginger House, au bord de l’eau, dans le quartier juif (sans plus de Juifs), nous avons goûté à l’appam, une galette à base de riz fermenté avec un centre un peu épais et spongieux que l’on découpe avec ses doigts et que l’on trempe dans un curry. Un autre bonheur arrosé cette fois d’une bonne bière bien fraîche ! Mais ici, tout-à-coup, les éclairs nous ont surpris, toujours plus intenses alors qu’une pluie diluvienne s’abattait sur le toit de la terrasse. Il nous a fallu changer de table, nous retrancher dans les endroits épargnés par les trombes d’eau. Très vite, le compteur a disjoncté nous plongeant un temps dans le noir. J’ai eu envie d’aller aux toilettes ; un serveur m’a accompagné m’abritant, sous un grand parapluie qu’il tenait des deux mains pour ne pas être emporté par le vent. J’en suis revenu la chemise et le bas de pantalon mouillés ; nous avions dû traverser un passage à découvert. La statue d’un ange changeant de couleurs, tantôt bleu, tantôt jaune, tantôt rouge, ailes déployées dominant la terrasse, a tout-à-coup disparu dans l’obscurité, impuissant devant le pouvoir des éléments.





Les dothis sont « pincés » entre deux cordes.

Spice market : Le gingembre et le poivre noir du Kerala sèchent au soleil, posés à même le sol. Dans les bâtiments autour de la cour, les entrepôts, les lieux de tri. Ici, les femmes séparent les grains de poivre. Les plus gros grains sont de la qualité supérieure. Elles se couvrent le nez car l’atmosphère de la pièce est piquante. Une forte odeur de poivre chatouille les narines.
Mais quatre jours, ça passe vite. Il nous fallait impérativement assister à un spectacle du fameux Kathakali, une des quatre grandes danses classiques de l’Inde, théâtre musical comportant 110 scènes et costumes différents. Nous en avons eu une version abrégée d’une heure sans compter les explications des codes de la part du maître de cérémonie, du gurû, sans doute le gurukkal du kalari, l’espace de danse et de combats. Les danseurs et les lutteurs, adeptes du yoga et des massages ayurvédiques pratiqués dans l’Inde du sud les rendent sveltes, forts et souples. Ils acquièrent une maîtrise parfaite de leur corps et plus spécialement des expressions du visage qui sera le langage lors de leurs performances. Assister au maquillage pendant une heure a été aussi très impressionnant.




Quant aux lutteurs, ils pratiquent le kalarippayatt, une des techniques d’art martial des plus anciennes.



Ça doit laisser des traces !
La seconde chose à ne pas laisser passer est une promenade dans les backwaters. Départ un matin dès 8h00 pour atteindre en une heure Ernakulam où un bateau sans moteur nous attendait. Direction un petit village sur l’île de Pookaitha. L’embarcation fut mise en mouvement grâce aux deux bateliers maniant de longues perches de bambou. Le ketuvallam transportait jadis des noix de coco, du riz et des épices. Il n’a plus qu’une fonction de tourisme de nos jours. Long d’une quinzaine de mètres, le plancher est en bois de jaquier et la structure du toit en bois de bétel. Six chaises profondes en rotin étaient posées là comme le salon sur la terrasse d’une maison coloniale. Nous nous sommes installés. Notre guide, très discret au demeurant, nous pointait de temps à autre aigles à tête blanche, cormorans, martins-pêcheurs, aigrettes. Près des rives, des nénuphars rose mettaient de la couleur au sombre des eaux calmes. Nous croisions quelques fois de toutes petites barques à pagaies, habitants des villages alentours.








Le soir, au restaurant de la Ginger House, nous essuirons un sacré orage digne d’une mousson !
Et la vie dans l’eau. La vie des hommes et des femmes qui se lavent, récurent les marmites, font la lessive ou les rituelles ablutions. Nous nous faisions signe de la main, nous nous souriions, nous échangions des bonjours. Mais partout les sourires étaient sur les lèvres. Un autre bonheur ! De ce temps calme et chaud, bien qu’abrités, nous avions tendance à la somnolence. J’étais hypnotisé par les mouvements fatigants du batelier fatigué à l’avant, plantant sa longue perche tantôt à bâbord, tantôt à tribord. Et lorsque nous étions trop près de la végétation aquatique, il plantait alors sa perche sur l’épais tapis de verdure et poussait, nous remettant au cours de la navigation. Le paysage était serein, nous étions sur un temps suspendu, presque hors de l’espace-temps avant d’arriver sur « notre » île. Là, notre déjeuner était prêt. Sur une feuille de bananier, on nous servit du gros riz épais typique du Kerala, des sauces, du chutney, une banane, un curd (yaourt) caramélisé. Debout devant nous à nous servir, notre guide et son patron nous regardaient manger.




Dehors, une femme nous a montré la confection des toits tressés en utilisant des feuilles de palmiers séchées, imperméables pendant 6 mois environ même pendant la mousson ; écologique et sans sous. Les doigts de pieds tordus, peut-être par la pratique de cette activité, souriante, elle a tressé une feuille en un rien de temps. La pose photo à la fin s’est imposée à nous et nous nous y sommes livrés de bonne grâce. Vers 15h00, notre chauffeur nous attendait et nous ramenait à Fort Kochi au Delight Homestay, notre pension familiale très sympathique et incroyablement peu onéreuse. David, le propriétaire, semblait guetter notre arrivée, curieux de nos impressions. Il avait commandé cette excursion, il en a été soulagé !
0% de déchets, 100% écologique, 100% efficace. Ces toits en ramures de palmiers sont 100% étanches pendant 6 mois, le temps de la mousson.

Le lendemain, jour de notre retour à Chennai, nous nous sommes rendus sur les lieux de nos déambulations, contents de ce séjour dépaysant, tristes aussi de devoir reprendre le cours normal des choses, le travail intense pour Éric, la vie de l’homme au foyer pour moi. Aujourd’hui, malgré la météo, passant du chaud de l’air au froid des airs conditionnés, subissant les courants d’air permanents du fait des fenêtres ouvertes toute la journée, sous les ventilateurs qui ne brassent que de l’air toujours chaud, j’ai attrapé un méchant rhume et mon nez coule. Malgré tout, je poursuis assidument mes séances de natation tous les matins à la piscine du Savera, mais je me baigne en tee-shirt. Ma peau ne supporte plus le soleil. J’essaie de m’astreindre quotidiennement aux exercices bénéfiques à mon dos … et à mes abdominaux. Sans grand succès jusqu’à présent, mais je persiste ! Et samedi 23 avril, nous fêterons nos 35 années de vie commune ! Au restaurant “China XO” (eXtraOrdinaire) du palace Leela, nous dégusterons un canard laqué face au Golfe du Bengale


