Om Shanti, Shanti, Shanti *

* Om Paix, Paix, Paix

Om ou Aum, le son sacré, universel et primordial. Ce mantra est utilisé dans la pratique du yoga.

Deuxième retraite dans un ashram. L’ashram Sivananda Yoga Venanda Meenakshi se trouve à 22 km de Madurai en direction de la forêt tropicale. Il en existe quatre autres en Inde ; à Trivandrum dans le Kerala, à Gudur dans l’Andhra Pradesh et à Kutir dans l’Uttarakhand ainsi que cinq centres de yoga dont Chennai. Plus de 26 centres de yoga sont répartis dans le monde et le siège social se trouve à Val Morin, Québec au Canada. L’ashram de Madurai se situe au sud de l’État du Tamil Nadu. Non loin, les Ghats Occidentaux forment une petite chaîne de moyennes montagnes, frontière entre les États du Kerala et du Tamil Nadu.

Vendredi 11 novembre, jour de pluie.

A la Sainte Sylvie (prénom de l’une de mes sœurs), j’embarque à 9h10 dans un petit avion à hélices qui mettra 1h15 avant d’arriver à destination. Je ne pars qu’une semaine et pourtant la grosse valise que j’emmène pèse plus de 16 kg. J’y ai rangé des vêtements adaptés pour le yoga, des vêtements légers de rechange, des vêtements de ville et deux lunghis (que je ne porterai pas), tout pour l’hygiène y compris du papier toilette, des lotions corps et vêtements anti-moustiques, une lampe torche, cadenas, mon tapis de yoga et un épais coussin de méditation, des tongs, des tennis et mes sandales Birkenstock (qui ne me serviront pas). Je devrais arriver à destination en milieu de journée et à ce moment-là ce qui s’apprête à être mon aventure pourra commencer. J’ai lu le programme sur le site officiel de l’ashram, mais je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre.

Mon tapis de yoga sur mon épaule

Le couloir de vol nous fait surplomber pour un temps le Golfe du Bengale. A cette faible altitude, on voit bien la terre. Au-dessus, le ciel bleu et entre les deux, de beaux cumulus blancs qui moutonnent le paysage aérien. Très vite, le pilote change de cap et, entrant dans les terres, nous nous dirigeons vers le sud. De loin, il semble que la longue ligne blonde de sable qui délimite la terre donne accès au vide. Là, la mer devient le ciel dans des tons plus sombres. Un fleuve est sur le point de s’y jeter. Sait-il qu’il est en bout de course, que c’est sa fin ? Ou n’est-ce pas plutôt une éternelle continuité ? Les routes ressemblent à des serpentins qui enserrent les villages, les champs et les cultures. Les ombres irrégulières, reflets jumeaux des nuages blancs, tachent ces compositions. Plus haut, les cirrus s’étirent dans le ciel bleu. On dirait une voie lactée albinos immobile, strates vitales de l’atmosphère. Je ne me projette pas encore au bout du voyage mais les nuages défilent à vive allure. J’appréhende, je suis inquiet comme à chaque fois face à l’inconnu. Je sais aussi que cela sera très différent de mon expérience à Tiruvannamalai. Mes journées seront très encadrées et les activités obligatoires. J’aimerais y être afin d’éviter de trop penser. Le pilote annonce déjà la descente. L’appareil plonge alors dans les nuages et bientôt nous discernerons les détails de la terre, un juste retour à la réalité. Les serpentins redeviendront des routes, les petits points, des villages et les tâches vertes, des champs cultivés. Le bleu du ciel disparaît laissant la place au gris. Nous allons atterrir dans quelques secondes, la piste approche à grande vitesse. Ça y est, le choc des roues sur le tarmac annonce la fin du voyage.

Le trajet en taxi dure une heure. Il emprunte la New Nathan Road, une route en travaux depuis quatre ans qui est loin d’être mise entièrement en service. Enfin, j’y suis, désorienté et ne sachant où me diriger. Le vieux chauffeur m’aidera à trouver la réception. Je suis accueilli par un charmant jeune homme, le chignon haut sur la tête, les côtés au-dessus des oreilles et la nuque rasées, les lèvres charnues et la peau sombre. Il est d’une beauté impénétrable, ce qui me refroidit un peu.

Le charmant jeune homme porte une écharpe ce matin-là à 6 heures. Méditation autour de « l’arbre à Ganesh ». Cette promenade remplace le satsang du matin, les chants résonneront dans le sous-bois.
Nous serons de retour avant 7h30.

Les démarches d’inscription sont longues et laborieuses car il faut prouver que l’on est bien en règle au regard de l’immigration. Contrairement à Tiruvannamalai, ce séjour a un coût pour l’hébergement.

Confort minimum mais c’est propre.

Il m’attribuera une chambre individuelle, sans air conditionné mais avec un ventilateur plafonnier et une salle d’eau avec eau chaude. Le domaine ressemble à une propriété en restauration ; des parties aménagées, d’autres en construction, abandonnées ou en cours de démolition.

Mais l’ensemble est cependant très beau. Les magnifiques espaces verts dissimulent les bâtiments (réfectoire, salle de thé, dortoirs et chambres, boutique, halls des enseignements, temple de Kali, déesse de la préservation, de la transformation et de la destruction).

Certains sont à claire-voie et couverts de feuilles de palmes séchées, d’autres, de tôles ondulées ou de bâches tendues. Le Siva Hall où auront lieu mes séances de yoga et les conférences résonnera souvent en raison des courses poursuites des bandes de singes perturbant les activités et mettant à rude épreuve notre concentration.

Shiva Hall : ma salle de yoga et de conférences

Je trouve le groupe de résidents installés dans le Durga Hall où l’on prend le thé. On me salue et je réponds timidement. On m’invite à me servir et l’on me propose même un biscuit. Ici, deux groupes cohabiteront ; les « Yoga teachers’ training course » (formation de professeurs de yoga) et les « Yoga vacation » dont je fais partie. Je vous le dis avec insistance, je n’étais pas en vacances et ma semaine n’a pas été de tout repos !

Mes premières fois. La « Lecture » (conférence) d’une heure est un désastre. Je me retrouve avec six personnes au Shiva hall. Je ne comprends rien, tant à cause de l’accent anglo-indien que par le flot d’informations ; les mots, les idées et les phrases utilisés et leur assertion. Le « professeur » dispense un cours qui permet des échanges sur des concepts et des idées qui me sont totalement étrangères. Sans s’adresser directement à moi, il indique qu’une mauvaise posture empêche une respiration correcte. Et en effet, postures et respiration sont les conditions essentielles de la bonne pratique du yoga et de la méditation. Ça commence bien. Message reçu, je me suis redressé du mieux que j’ai pu tout en sachant que mon dos allait me faire mal. Je lui en ai fait la remarque après le cours et il m’a laissé bon espoir de me « corriger ». J’ai ainsi pensé que ces conférences quotidiennes allaient a priori être difficiles à suivre, voire insurmontables. Je posai déjà des obstacles, refusant toute théosophie mêlant religion, spiritualité et philosophie. La séance de yoga de 90 minutes me laissera haletant, douloureux et mouillé. Mon corps a été mis à rude épreuve. Douze postures se sont enchaînées ponctuées par de courtes pauses de récupération ; maîtrise de la respiration contrôlée puis alternée, salutation au soleil répétée dix fois, étirements, élongations, torsions, assouplissements, équilibres. Tout cela s’enchaînant à en perdre le souffle, mes muscles peu puissants ne me permettant pas de réaliser les postures de la roue ou du corbeau et ma colonne vertébrale peu porteuse pour réaliser le poirier ou la sauterelle. A la fin de la séance, il me restait moins de trente minutes pour me rafraîchir, me reposer et me changer avant d’aller dîner à 18 heures. Une quarantaine de personnes compose le groupe. La grande majorité est jeune et je suis sans doute le plus âgé. Parmi les jeunes en formation, je repère des Occidentaux. J’apprendrai par la suite qu’il y a une Brésilienne, une Kazakhe, un Italien et une Britannique. Dans mon groupe, je suis le seul Occidental mais cela évoluera au cours de la semaine ; une Russe arrivera puis un Américain.

Au déjeuner, riz sauté, papadum, salade de chou blanc et germes de haricots.
Près de la poubelle, les singes ramassent le moindre grain de riz.

Manger par terre avec ses doigts, assis en tailleur n’est pas chose aisée. Nous sommes les uns à côté des autres sur cinq rangées. Nous mangeons dans un silence relatif, certains chuchotent. Ça me va. Un plateau compartimenté en inox est posé au sol avec une portion raisonnable de nourriture. Le régime sattvique est lacto-végétarien. Les menus sont composés de produits frais non transformés, aucun aliment industriel n’est consommé : riz cuisiné de différentes façons, nature, sauté, en bouillie ou en une pâte compacte et collante. Il est accompagné de dahl, de sambar ou de rasam (légumes en sauce), de salades (chou, concombre, germes de haricots ou de soja), de légumes cuisinés à sec (okras ou gombos, pommes de terre, carottes, chou-fleur ou courge). On y ajoute parfois un peu de chutney. Le plat est souvent agrémenté de papadums (galettes frites et croustillantes). Il n’y a pas de fruits à 10 heures mais une banane pour le dîner à 18 heures. On nous ressert volontiers à la demande. Mon professeur de yoga dirige le service aidé des jeunes en formation. Cela fait partie de leur karma yoga, le don de soi par le travail désintéressé. Dès 18h30, je suis dans ma chambre, fatigué, prêt à faire une sieste mais je dois rester éveillé afin de participer au satsang de 20 heures à 21h30 : rassemblés dans Vishnu Hall, nous commençons par la méditation.

Vishnu Hall à 20 heures. Le satsang va commencer : méditation, chants, musique, lecture, réflexions.

Peu à peu, nous nous enfonçons dans la nuit noire dans le plus grand silence. Bien évidemment, je peine 1) à rester assis et immobile, 2) à focaliser mon attention sur mes sensations. Pour l’instant, mes sensations m’empêchent justement de méditer ; je suis mal installé, j’ai mal au dos et aux articulations des hanches, des genoux et des chevilles, des pensées ne cessent de faire surface et se télescopent. Je trouve le temps long, je ne sais pas ce que je fais là et je m’ennuie ferme. C’est ridicule. Et voilà que je pose tout en termes d’obstacles, je fais preuve de fermeture d’esprit, je rejette ce que je ne connais pas et ne veux, a priori, pas m’engager dans une nouvelle voie, difficile, d’accès. Le guru – que j’appelle Maître – fait soudain résonner le OM indiquant la fin de la méditation. Suivront une série de chants scandés dans un ordre bien défini ; le chant quotidien, la prière universelle de fin de cérémonie et entre les deux, d’autres chants que je tente de suivre dans le livret mis à notre disposition. Pendant près d’une heure, on entendra résonner tambours, tambourins, clochettes et autres instruments à percussions. Le guru fera ensuite une courte lecture qui permettra de faire germer une réflexion. Je reste étranger à tout cela et j’ai hâte d’aller me coucher. A 21h35, je dors profondément.

Tout est dit !

La routine. Les jours se suivent et se ressemblent. Ça pose des jalons. Je me repère mieux dans le domaine. Mais je ne suis pas connecté, je suis en dehors de la communauté. Je reste dans mon coin ne parlant que si l’on m’aborde. J’ai l’air sauvage, fuyant et il m’arrive de m’isoler dans ma chambre ou dans le hall quand il n’y a personne. Un étrange mal-être est en train de m’envahir faisant ressurgir mes faiblesses, mes craintes, voire mes peurs. Dès le lundi, j’ai envie de quitter l’ashram, ce que j’aurais considéré comme un échec. Je me ravise donc et me dis qu’il faut que je fasse des efforts. Je me mets alors au travail tête baissée et suis la routine sans me poser de question. 5h30, réveil suivi du 1er satsang à 6h00. Nous prenons le thé à 7h30. La séance de yoga – asanas (postures) et pranayama (respirations) – durera jusqu’à 9h30. A cette heure-là, j’ai faim et j’attends avec impatience l’heure du brunch. Nous avons observé un jeûne de 16 heures et ça sera comme cela toute la semaine.

De 11 heures à midi, c’est le karma yoga, le yoga par l’action, le travail désintéressé. On m’attribue le nettoyage du temple de Kali. Heureusement pour moi, cette tâche ne prendra que trente minutes et je retournerai me reposer dans ma chambre jusqu’à 13h30, l’heure du thé. Il m’arrivera de faire une petite sieste. De retour à Shiva Hall, j’assisterai à la conférence de 14 à 15 heures. Le guru conduira les réflexions qui deviendront de plus en plus intéressantes et qui susciteront ma participation aux réflexions et aux pensées évoquées. Je me surprends à être attentif. Puis, de 16 heures à 17h30, je participerai à la seconde séance de yoga. J’irai ensuite dîner à 18 heures, me reposerai jusqu’à 20 heures, heure du second satsang. A 22 heures, extinction des lumières. Je n’irai jamais au-delà, pris par le sommeil.

Que se passe-t-il ? Après mon passage à vide de lundi, je me suis ressaisi. Je me suis plus impliqué sur les événements de la vie quotidienne. Du fait de la régularité, cela m’a permis de me sentir plus à l’aise et enclin à faire des efforts. Je me suis donc appliqué : arrêter de me plaindre, mieux écouter ceux qui parlent, aller plus volontairement vers les autres, transpirer un peu plus au yoga, être toujours conscient de ma posture, me sentir soutenu par ceux qui m’entourent, essayer réellement de méditer, relâcher mon corps afin d’éviter les crispations et les tensions, causes de différents maux. J’ai tout-à-coup fait le lien entre les conférences, les cours de yoga et les satsang. Tout cela ne faisait-il pas un tout ? Une sorte de nœud en moi commençait à se dénouer, j’avais l’impression d’avoir trouvé le bout de la ficelle et tirer dessus me permettait de retrouver le chemin. Bien qu’encore timidement, je ressentais moins d’appréhensions. Je m’invitais dans différents groupes.

Chemin d’accès à Vishnu Hall à gauche et plus loin à droite, à Siva Hall.

Une vieille dame m’a abordé. Elle ne suivait aucun cours. Elle était juste là pour se ressourcer, s’échapper d’une vie sans doute trop trépidante pour elle. Son visage était extrêmement doux, le sourire qu’elle m’a adressé extrêmement chaleureux. Elle est venue vers moi en me saluant, me demandant mon prénom. Une façon normale de commencer, non ? Elle m’a dit venir dans cet ashram deux mois par an. A la fin du satsang du matin, on nous distribuait souvent une petite portion de cacahuètes, trois dates ou une douceur (une pâte sucrée de semoule avec des fruits ou des noix concassées) très bonne. Ces petits riens me réchauffaient le cœur, me faisant me sentir bien. Les jeunes recevaient ce petit bonus comme des enfants excités d’avoir reçu un cadeau. C’était un peu cela. Se contenter, accepter et apprécier ce que l’on nous donne. Petit à petit, je me suis mis à me tenir mieux plus longtemps assis en tailleur. Je m’en étonnais moi-même. Manger par terre ne m’incommodait plus, je résistais aux longues séances de méditation, mes postures de yoga s’amélioraient à tel point que le professeur m’encourageait à aller plus loin, à faire plus d’efforts, à avoir plus mal que ce que je ressentais douloureusement déjà. Mais j’y suis allé. En fin de semaine, il est venu vers moi plusieurs fois pour me dire que telle ou telle posture était parfaite. Je l’aurais embrassé. D’ailleurs, lors de mon dernier repas vendredi soir, à la fin de son service, je lui ai dit avec beaucoup d’émotions et du trémolo dans la voix combien j’avais apprécié sa manière de faire. Que je ne l’avais tout d’abord pas compris, pensant qu’il ne me prêtait aucune attention, mais qu’il m’avait poussé à aller plus loin, à oser faire et à me dépasser. C’est en fin de semaine que je participais aussi activement au déroulement du satsang, me joignant au groupe dans les chants et les rythmes. J’ai même dansé, invité par un jeune qui est venu me prendre par la main.

Dimanche 6 novembre. Vue sur les Ghats depuis un piton rocheux que nous avons escaladé.

Quel chemin avais-je parcourru ! Le Maître avait dit un peu plus tôt dans la semaine que ce qui rendait heureux était le chant et la musique. Oui, bien sûr, je le savais mais ne le vivais pas. Je n’y ai mis d’autres intentions que de me sentir bien, vivant, heureux même. J’y ajoutais un soupçon de spiritualité qui n’est en fait que le désir de s’élever un peu plus haut et d’aller au-delà de son corps physique. Car oui, j’étais heureux d’entendre la musique répétitive et entraînante. Oui encore, j’étais heureux lorsque je m’essayais, sans grand succès mais avec conviction, à chanter à l’unisson en frappant la mesure dans mes mains. Alors, mon corps, mon dos, mes articulations ne me faisaient plus mal. Ma tête restait droite, mes épaules basses et ma poitrine ressortie, tout comme on me l’avait demandé plus tôt dans la semaine, la respiration calme et régulière ; posture parfaite de l’apprenti yogi que j’étais devenu. Ces changements ont accru mon sentiment de réussite, ces réussites ont entraîné des émotions de bien-être et de bonheur. Et de fait, je me sentais heureux et empli de fierté. Fierté d’avoir tenu bon malgré mes doutes, d’avoir dépassé des limites que je m’étais toujours imposées, de me sentir inclus dans une communauté sans distinction ni préjugés, de me sentir heureux alors que ça n’était pas gagné à l’avance.

Fin de semaine, fin de retraite. Les vendredis sont libres de toute activité à l’exception des deux satsang. Pas de yoga, pas de conférence. L’ashram est calme malgré la tension qui grandit chez les jeunes. Le lendemain matin, ils passeront leur examen final. Une épreuve écrite sur la théorie, une épreuve pratique sur le yoga. D’ailleurs, tout au long de la semaine c’était un·e jeune désigné·e qui animait notre séance de yoga du matin. 11 novembre, jour célébré de l’Armistice. Ici, il fait gris et il pleut. Je m’enferme dans ma chambre, commence à rassembler mes affaires en vue de mon départ du lendemain et écris quelques notes dans mon carnet jaune. Puis, l’idée de rester enfermé me tracasse. J’enfile mon imperméable et je sors. Le long de la route, quelques camions passent. Des conducteurs de deux-roues se protègent la tête avec un mouchoir ; dérisoire pour se protéger de la pluie mais rigolo, d’autres me sourient au passage, certains même très franchement avec de grands signes de la main. Cette promenade d’une heure me conduit à une petite entreprise de vente de vêtements ; saris, écharpes, étoles, lunghis colorés à carreaux, dothis blancs et chemises. On ne parle pas un mot d’anglais. Je finis par acheter un dothis et une chemisette blanche, vêtement traditionnel que porte la caste des brahmanes. Que vais-je en faire ? Le satsang du soir m’a échappé. Terminant mes bagages, je n’ai pas fait attention à l’heure.

Le groupe de jeunes élèves-professeurs en fin de formation après le satsang du matin.

D’ailleurs, la cloche qui ponctue les journées n’a pas retenti. Je me suis rendu dans le hall vers 19 heures, l’endroit était plongé dans le noir et il n’y avait pas un seul bruit. Manifestement, les jeunes n’étaient pas là. L’heure de la méditation était-elle passée ? A y regarder de plus près et utilisant ma lampe torche, je découvre un endroit vide. Pourquoi ? J’en conclus que l’événement avait été annulé pour une raison qui m’échappait. De même le lendemain matin. Désireux de paresser dans mon lit, je me suis enfin décidé à aller dans le hall vers 7 heures. Comme la veille, le hall était désert. Je remarquai également que les jeunes étaient bien silencieux. Et pour cause, il n’y avait personne dehors à cette heure-là. Encore un mystère. Je me dis que j’avais probablement raté des informations la veille. Au moment de mon départ prévu à 8 heures, j’ai croisé quelques jeunes. Le stress était palpable. Ils passaient leur examen dans quelques minutes. Mais, me voyant la valise à la main, ils affichèrent un grand sourire et me souhaitèrent bon voyage.

12 novembre, Saint Christian. J’arrive bien trop tôt à l’aéroport et les formalités sont vite expédiées. L’embarquement est prévu à 10h40 et le vol est à l’heure. En prenant de l’altitude après le décollage, j’ai en mémoire mes impressions de la terre du voyage aller. Les champs deviendront un camaïeu vert de pièces de puzzle, la ville, les faubourgs et les villages ressembleront à des pièces de Lego agglomérées et les plans d’eau luiront comme des miroirs cousus sur les tissus rajasthanis. Tout cela disparaîtra et réapparaîtra au gré des gros flocons blancs que sont les nuages dérivant vers l’infini, se dissolvant et se reformant, devenant tantôt icebergs, tantôt crème fouettée. Mes pensées dérivent elles aussi laissant la place à des émotions mélangées. La tristesse d’avoir quitté l’ashram et la hâte d’être rentré, de retrouver Éric. La fierté d’être sorti de ma zone de confort et mon appréhension de retrouver celle que constitue mon quotidien. La joie et la mélancolie s’engouffrent dans ma gorge et se percutent au point d’y faire un nœud. Ah ! Si j’avais des larmes, je pleurerais ! Mais au bout du compte, je me sens détendu, en paix et heureux.

Kashi, Ville de Lumière

Week-end de Toussaint du 29 octobre au 1er novembre 2022

Après Bollywood, nous voici dans la ville la plus sacrée de l’Inde. Et je dois rédiger cet article avant la fin de la semaine car nous serons repartis. Éric à Jaipur, Rajasthan, pour l’université d’automne organisée par l’Institut français, moi, dans l’ashram de Madurai, Tamil Nadu, pour une nouvelle retraite. Nous y resterons chacun toute la semaine.

Assi ghat

Commencer le récit de notre séjour, c’est d’abord comprendre le sens et l’importance que revêt Varanasi pour les Indiens. De plus, de nombreux Occidentaux y passent parce qu’elle est fortement emprunte de spiritualité. Je vais donc tenter de l’expliquer à partir de ce que nous avons vu et ressenti

Le Gange depuis l’étage d’un haveli du chowk

Kashi, Bénarès (ou Banaras), Varanasi. Trois noms pour une seule et même ville. Cette cité, l’une des plus anciennes au monde habitée de façon continue, a été fondée au  XIème siècle av. J.-C. Elle est située sur la rive nord du Gange (Ganga) et est délimitée par deux affluents : la Varuna et l’Assi.  Vous l’aurez compris, le nom de Varanasi est ainsi formé. Dans le Mahābhārat, la ville de Kāśī (काशी : Kashi) signifie « briller » en sanskrit, d’où l’appellation de « Cité de Lumière ». Bénarès est une déformation de Varanasi où les sonorités sont poches. La ville est dédiée à Shiva. Cette ville du nord de l’Inde dans l’État de l’Uttar Pradesh dont la capitale est Lucknow, est considérée comme le centre spirituel de l’Inde. Selon la tradition bouddhiste, Bouddha aurait donné son premier sermon à Sarnath, proche de Kashi. Le Premier ministre indien Narendra Modi est le député de la ville depuis 2014.

Quartier général de police dans le chowk. A l’époque du Raj britannique, les « indigènes » étaient sévèrement punis lors de tentatives de rébellion. Les Indiens avaient alors trouvé le moyen de communiquer en cachant des informations majeures dans les feuilles de bétel à mâcher.

C’est à Varanasi que se rassemble toute l’Inde par le nombre d’âmes qui la peuplent. Week-end de festivité en l’honneur de Shiva, la foule a afflué, les touristes aussi, rendant la ville encore plus délirante, bruyante, effervescente et chaotique. Varanasi est un puits où se concentre l’hindouisme dans toute son hindouïtude. Pour nous, cela a été une révélation. Inspirés par la puissance de la religion et de la spiritualité, les fervents sont en état de « choc émotionnel », certains comme en transe. L’hindouisme définit les Hindous à travers leur mode de vie et de pensée quotidiens. Ceux-ci portent les vêtements traditionnels pour la plupart, et la plupart sont de la caste des brahmanes. Beaucoup sont rasés (c’est l’usage lors d’un décès) à l’exception d’une fine longueur de cheveux noués à l’arrière de la tête, centre de la spiritualité et de la connaissance. Tous et toutes, enfants compris, ont le front barrés de blanc et de orange, marque de bénédiction par les prêtres.

Vie d’un sadhou à Varanasi ; contemplation, marijuana et méditation
Un autre sadhou, beaucoup plus dénudé !

Les sadhous, à demi-nus et entièrement recouverts de la cendre des crémations, sont légions et les nombreux mendiants demandent l’aumône dans le chowk, la vieille ville. Le long des ghat (marches ou gradins de pierre qui descendent dans le Gange), les futures épousées en tenues d’apparat, pieds nus peints au henné de belles arabesques orientales, bracelets de chevilles tintant, leur distribuent les indulgences en pièces de monnaie et poignées de riz. Le bien est fait. Il n’y a pas un seul jour de l’année où Indiens et Indiennes ne viennent faire leurs ablutions rituelles à l’aube, tous désireux de s’y faire incinérer selon la tradition, sur un bûcher.

Ils viennent en masse de toute l’Inde pour cela car être incinéré à Varanasi permettrait d’atteindre le moksha, la libération du cycle des réincarnations. Les cendres sont ensuite offertes au Gange. Les enfants pré-pubères et les sadhous étant purs par nature seront tout simplement enveloppés dans un linceul, le corps lesté de pierres avant d’être donné au fleuve sacré qui les accueillera.

Notre curiosité sera assouvie, notre soif de toujours découvrir de nouvelles destinations, étanchée. La réputation de Varanasi ne fait qu’aiguiser ce sentiment urgent d’être là pour enfin voir de nos propres yeux. Dans notre imaginaire, Varanasi est la ville de l’Inde qu’il faut avoir vue, l’endroit où il faut être allé une fois dans sa vie. Varanasi semble être le reflet de l’Inde véritable, elle est son cœur battant, son âme, et même son essence pure. Tout Hindou qui se respecte désire se rendre une fois dans sa vie à Varanasi tout comme un Musulman à la Mecque, un Juif devant le Mur des Lamentations à Jérusalem ou un catholique à Saint Pierre de Rome, je suppose.

Bien nous en a pris d’y aller à cette période. Sans le savoir, le festival de Chaath puja avait lieu du vendredi au lundi soir. A cette période-là, les Hindous s’imposent trois jours de jeûne. Dès notre arrivée le samedi après-midi, le réceptionniste de notre hôtel nous recommandait d’aller sur le ghat pour assister au spectacle de Krishna en présence de Kashi Naresh, roi de Bénarès (car il existe encore des petits royaumes en Inde avec des rois aux pouvoirs restreints). A la hauteur d’Assi ghat, ce dernier trône au centre d’une flottille sur le pont supérieur d’un petit bateau bleu. Il est entouré de sa garde rapprochée et deux hommes sont agenouillés à ses pieds.

Un jeune garçon représentant Krishna jouait la scène dans l’eau au son de tambours percutés de plus en plus vite, de plus en plus fort. De jeunes hommes en maillot de bain lui lançaient des balles qu’il devait aller chercher au fond de l’eau jusqu’à ce qu’un cobra l’aide à en ressortir. Debout sur son corps et le tenant par la tête, Krishna (le 8ème avatar de Vishnou et dieu bleu de la compassion, de la tendresse et de l’amour) est ramené au bord du Gange sous les vivats des spectateurs. La foule compacte est au comble du ravissement. Applaudissements et hourras sont lancés en direction du roi ovationné telle une star. Nous sommes bousculés de toutes parts faisant en sorte de nous maintenir en nous agrippant aux épaules de ceux qui sont devant nous. Mais l’armée de policiers, bâtons à la main, a vite fait de disperser cette nuée dangereuse au milieu de laquelle nous nous trouvons. Dans la débâcle, je perds une sandale que j’arrive à récupérer in extremis. Nous sommes heureux de nous en être extraits.

Représentation d’une scène avec Lord Krishna dans l’eau devant le roi de Bénarès sur son bateau bleu devant une foule en liesse.

Le Palace on Ganges est un bel haveli (palais) aujourd’hui divisé en deux et malheureusement assez décati. Il a quand même belle allure. Et si notre chambre est propre, les parties communes ne sont pas nettes. Nous bénéficions d’une petite chambre (trop chère pour ce que c’est) au dernier étage avec une terrasse privative qui donne directement sur le Gange. C’est parfait. Notre premier regard du matin sera en direction du fleuve, nous y boirons de la bière le soir « à la fraîche » au-dessus de la vie bruyante et nous regarderons la nuit tomber, éclairée par les feux d’artifice et les lampions s’élevant haut dans le ciel assombri, au son des pétards qui nous faisaient sursauter à chaque fois.

Le Gange depuis la terrasse de notre hôtel

Nous avions établi un programme comprenant les visites incontournables nous réservant  des moments d’observation, de rencontres avec les autochtones, de contemplation et de tranquillité. La vie se concentre dans la vieille ville, sur les ghat et sur le fleuve. Nous commençons par une promenade en bateau au crépuscule. La courbe en parfait croissant de lune du Gange ne comporte pas moins que 80 ghat. Au départ d’Assi, au sud, le premier ou le dernier d’entre eux, c’est selon le point de vue, nous remonterons jusqu’à celui où les crémations ont lieu. C’est aussi le plus vaste, raison pour laquelle la plupart des bateaux y sont accostés. Les bateliers nous abordent, chargent leur bateau de personnes avides d’émotions intenses, sentir le Gange vibrer en eux. Finalement, nous serons les deux seuls sur l’un d’eux et nous voguerons sur le fleuve sacré, observant la vie trépidante qui se déroule sous nos yeux ébahis. L’émotion est palpable, la gorge se serre sans que l’on puisse se l’expliquer rationnellement. J’en ai même une piloérection.

La vue sur la ville est belle. On perçoit à quel point les palais qui le borde avaient du cachet. La nuit tombe vite, les lumières s’allument petit-à-petit, les édifices embellissent au fur et à mesure qu’ils sont illuminés.

Vers 18 heures sur le Gange

Varanasi Walks propose des circuits thématiques à pied. Anand, notre guide, nous a donné rendez-vous le lendemain à 9 heures. Il faudra se lever tôt. Ah ! Les vacances ! Ce n’est pas de tout repos !

Godowlia Crossing dans le Chowk

Nous le retrouvons à Godowlia Crossing, le carrefour névralgique dont l’artère principale descend vers Dasashwamedh ghat dans la vieille ville.

Dasashwamedh ghat

Notre parcours nous mènera au cœur de la cité de lumière dans des cours et des intérieurs invisibles. Au fil des ruelles tortueuses, nous découvrirons l’architecture classique des havelis et des temples cachés.

Avec Anand au cours de notre visite matinale
A l’étage d’un haveli donnant sur le fleuve

Nous pénètrerons dans des cours de palais, éveillant la curiosité de ses habitants, les surprenant à la toilette, à la cuisine ou émergeant d’une bonne sieste.

Cours de haveli habité par plusieurs familles. Un cabanon dans un coin sert de sanitaire collectif.

Nous verrons tout cela sous le spectre de la couleur, des couleurs changeantes au cours de la matinée, façades et cours tantôt baignées de soleil ou plongées dans l’obscurité due à l’étroitesse des ruelles. Nous verrons les couleurs fanées par le temps sur des façades délabrées, d’autres chatoyantes sur des édifices restaurés, ou encore, celles lumineuses éblouissant les pierres ocre et blondes des stupas.

Nous ne verrons pas les quelque 2000 temples que compte la ville mais nous visiterons le plus célèbre et vénéré d’entre eux, Shree Kashi Vishwanath, le temple d’or, dédié à Shiva, en compagnie d’un guide-prêtre que l’on nous a attribué, histoire de bien respecter le protocole.

Shree Kashi Vishwanath avec notre prêtre-guide, étudiant à la faculté de langues. Il étudie le sanskrit. C’est lui qui nous a bénis et marqué notre front d’une pâte blanche
(mélange de poudre et de lait pris sur le lingam de Shiva) puis orangé, des couleurs sacrées.
Le temple d’or est enfermé dans un « caisson », the Corridor, inauguré en 2021 par le Premier ministre.

Le fleuve n’est jamais loin. Le chowk est un dédale inextricable de venelles où les piétons et les deux-roues ne font pas bon ménage. A touche-touche, de minuscules échoppes proposent nourriture, chai, soieries, épices, jouets en bois ou articles religieux. De nombreux barbiers coupent et rasent toute la journée.

Petit marché aux fleurs bien caché

Parfois, une vache sacrée barre le passage. Il faudra attendre qu’elle veuille bien se déplacer malgré l’impatience de ceux qui sont bloqués.

Ailleurs, ce sont les tambours qui annoncent la procession d’un convoi funéraire. Le défunt dans un linceul – de couleurs différentes pour un homme, une femme ou une personne âgée – recouvert de fleurs, est allongé sur un brancard en bambou porté par quatre hommes.

Les crémations se déroulent à Manikarnila ghat. C’est le ghat le plus actif et le lieu final des convois funéraires où les femmes ne sont pas admises. Pendant que le corps du proche s’embrase, elles nettoieront la maison et brûleront tous les vêtements en signe de purification. Les hommes quitteront plus tard, au bout de trois heures généralement, le bûcher sans jamais se retourner … Orphée et Eurydice. Il faut laisser le défunt partir en paix. Sur la plate-forme au bord du Gange, c’est Maha Shmashan Puri, « Le feu qui ne s’arrête jamais ». Et en effet, 24h/24, les corps arrivent, brûlent ou attendent de l’être et l’on peut compter jusqu’à dix bûchers actifs en même temps. Il fait une chaleur incroyable. Les porteurs, des hors-castes, des Dom, sorte d’Intouchables, déposent les corps sur les bûchers érigés et s’en occupent dévotement. Ils sont munis de longues cannes de bambou pour attiser le feu, étaler les cendres et vérifier que tout le corps se consume. Les riches achèteront assez de bon bois, celui qui brûle lentement, pour que le corps soit complètement réduit en cendre. D’autres se contenteront d’un bois de moindre qualité et d’une plus petite quantité. Les gros os du corps n’auront alors pas le temps de brûler. Tant pis, tout cela sera « confié » au fleuve sacré. Les longues bûches sont empilées dans des entrepôts tout proches et sont pesées et comptabilisées. Une bande d’arnaqueurs se définissant comme des bénévoles (sic) nous abordera afin de nous expliquer ce que nous voyons, nous proposant même de prendre des photos depuis un point de vue exceptionnel. Ils ne demandent rien … un peu d’argent seulement mais ils oublient de dire s’il s’agit d’euros ou de dollars ! Nous savons que les photos sont strictement interdites et que tout cet espace est surveillé. Nous ne sommes pas tombés dans le panneau. Harishchandra est l’autre ghat pour les crémations. Il est plus petit et moins actif que le précédent mais c’est le plus ancien. C’est ici que les plus pauvres sont incinérés.

En préparation aux ablutions. C’est l’homme, brahmane qui conduira ce rituel
Puja : offrandes et prières

Nous n’aurions pas quitté Varanasi sans avoir assisté aux pujas et aux ablutions du matin. Levés à cinq heures, nous n’avions pas loin où aller. Plus tôt encore, Assi ghat avalait la foule de croyants transportant trépieds de bambou, larges plateaux à offrandes contenant fleurs, fruits, encens, bougies, offrandes de la lumière au Gange. Des hommes dévêtus et des femmes en saris s’avançaient lentement et précautionneusement sur la rive boueuse dans les eaux fraîches à cette saison, s’agrippant les uns aux autres, puis s’immergeaient plusieurs fois, les saris flottants, les dothis mouillés moulants autour de la taille. Ils buvaient ensuite du creux de leurs mains trois gorgées de cette eau douteuse. Les chants, les percussions donnent de l’importance à ces cérémonies. Le spectacle est envoûtant, fascinant. On semble être dans un autre monde, je veux dire par là, dans un monde d’une autre dimension, dans un autre univers, au sens astronomique du terme. Tout cela, cette ambiance, les couleurs, les odeurs de fumées, les vas-et-viens incessants, comme s’il ne fallait rien rater, ne rien perdre de l’instant, où il faut vivre intensément le moment présent parce que c’était le bon moment, comme si après aurait été trop tard, nous donnait le tournis, la sensation illusoire que le monde était en train de bouger et de tourner confusément autour de nous. A six heures passées, nous sommes retournés à notre hôtel et au lit pour « terminer la nuit » ou plutôt pour commencer un nouveau jour après avoir rattrapé un peu de sommeil.

5h15, puja à Assi ghat
Un petit bonhomme habillé pour l’occasion !

Sarnath : C’est un site archéologique verdoyant non loin de Varanasi. Bouddha vint à Sarnath pour prêcher la Voie du Milieu dans son premier sermon après avoir atteint l’Éveil ou l’Illumination à Bodhgaya. Au IIIème siècle av. J.C., l’empereur Ashoka fit ériger de splendides stupas et des monastères dont il ne reste que des ruines. Un seul stupa est visible aujourd’hui. Site important du bouddhisme, les pèlerins affluents du monde entier. Le site est un havre de paix comparé à la tonitruante Varanasi. Le musée archéologique comporte de merveilleuses sculptures de pierre, de Bouddha entre autres figures. Et pour des raisons qui nous échappent, les photos sont interdites.

Soieries : Varanasi est la capitale du tissage de la soie. Celle-ci, importée du Cachemire, arrive à l’état brut. Les vers à soie ne s’acclimatent pas aux températures de l’Uttar Pradesh. Les tisserands musulmans ont acquis le savoir-faire ancestral du tissage traditionnel manuel. Châles et écharpes en soie et coton, en soie brute ou sauvage, en soie souple ou super souple, tous ces tissus sont magnifiques et délicats et cela était très tentant. Invités à boire le chai, nous sommes restés longtemps dans le magasin de gros. Les employés dépliaient sous nos yeux des dizaines de tissus qui finissaient par s’empiler sur l’estrade, mélangeant couleurs, motifs et textures que les « petites mains » repliaient derrière nous.

Certains s’y prélassent pour un court instant

Il nous fallait retourner une dernière fois avant le départ sur « notre » ghat. Mardi 1er novembre était enfin plus calme, plus tranquille, comme un retour à la vie normale. Les Indiens paressaient sous les grands parasols ou sur les marches.

Ils n’ont pas fini de déblayer la boue déposée sur les ghat !

On nettoyait ici à grands jets d’eau puissants la boue accumulée sur les escaliers, on goudronnait la coque d’une barque, ailleurs on récurait casseroles et marmites ou on lavait du linge.

Le goudron goutte dans l’eau pendant qu’à côté on récure les marmites ! Non loin, une femme lavait du linge.

Là, on buvait du chai, on discutait ou l’on jouait aux cartes. Le courant normal de la vie. Jusqu’au soir où l’heure de la puja sonnera de nouveau et où la foule reviendra pour célébrer le Gange à sa manière, dans la plus grande des ferveurs et de dévotion.