Om Shanti, Shanti, Shanti *

* Om Paix, Paix, Paix

Om ou Aum, le son sacré, universel et primordial. Ce mantra est utilisé dans la pratique du yoga.

Deuxième retraite dans un ashram. L’ashram Sivananda Yoga Venanda Meenakshi se trouve à 22 km de Madurai en direction de la forêt tropicale. Il en existe quatre autres en Inde ; à Trivandrum dans le Kerala, à Gudur dans l’Andhra Pradesh et à Kutir dans l’Uttarakhand ainsi que cinq centres de yoga dont Chennai. Plus de 26 centres de yoga sont répartis dans le monde et le siège social se trouve à Val Morin, Québec au Canada. L’ashram de Madurai se situe au sud de l’État du Tamil Nadu. Non loin, les Ghats Occidentaux forment une petite chaîne de moyennes montagnes, frontière entre les États du Kerala et du Tamil Nadu.

Vendredi 11 novembre, jour de pluie.

A la Sainte Sylvie (prénom de l’une de mes sœurs), j’embarque à 9h10 dans un petit avion à hélices qui mettra 1h15 avant d’arriver à destination. Je ne pars qu’une semaine et pourtant la grosse valise que j’emmène pèse plus de 16 kg. J’y ai rangé des vêtements adaptés pour le yoga, des vêtements légers de rechange, des vêtements de ville et deux lunghis (que je ne porterai pas), tout pour l’hygiène y compris du papier toilette, des lotions corps et vêtements anti-moustiques, une lampe torche, cadenas, mon tapis de yoga et un épais coussin de méditation, des tongs, des tennis et mes sandales Birkenstock (qui ne me serviront pas). Je devrais arriver à destination en milieu de journée et à ce moment-là ce qui s’apprête à être mon aventure pourra commencer. J’ai lu le programme sur le site officiel de l’ashram, mais je ne sais pas vraiment à quoi m’attendre.

Mon tapis de yoga sur mon épaule

Le couloir de vol nous fait surplomber pour un temps le Golfe du Bengale. A cette faible altitude, on voit bien la terre. Au-dessus, le ciel bleu et entre les deux, de beaux cumulus blancs qui moutonnent le paysage aérien. Très vite, le pilote change de cap et, entrant dans les terres, nous nous dirigeons vers le sud. De loin, il semble que la longue ligne blonde de sable qui délimite la terre donne accès au vide. Là, la mer devient le ciel dans des tons plus sombres. Un fleuve est sur le point de s’y jeter. Sait-il qu’il est en bout de course, que c’est sa fin ? Ou n’est-ce pas plutôt une éternelle continuité ? Les routes ressemblent à des serpentins qui enserrent les villages, les champs et les cultures. Les ombres irrégulières, reflets jumeaux des nuages blancs, tachent ces compositions. Plus haut, les cirrus s’étirent dans le ciel bleu. On dirait une voie lactée albinos immobile, strates vitales de l’atmosphère. Je ne me projette pas encore au bout du voyage mais les nuages défilent à vive allure. J’appréhende, je suis inquiet comme à chaque fois face à l’inconnu. Je sais aussi que cela sera très différent de mon expérience à Tiruvannamalai. Mes journées seront très encadrées et les activités obligatoires. J’aimerais y être afin d’éviter de trop penser. Le pilote annonce déjà la descente. L’appareil plonge alors dans les nuages et bientôt nous discernerons les détails de la terre, un juste retour à la réalité. Les serpentins redeviendront des routes, les petits points, des villages et les tâches vertes, des champs cultivés. Le bleu du ciel disparaît laissant la place au gris. Nous allons atterrir dans quelques secondes, la piste approche à grande vitesse. Ça y est, le choc des roues sur le tarmac annonce la fin du voyage.

Le trajet en taxi dure une heure. Il emprunte la New Nathan Road, une route en travaux depuis quatre ans qui est loin d’être mise entièrement en service. Enfin, j’y suis, désorienté et ne sachant où me diriger. Le vieux chauffeur m’aidera à trouver la réception. Je suis accueilli par un charmant jeune homme, le chignon haut sur la tête, les côtés au-dessus des oreilles et la nuque rasées, les lèvres charnues et la peau sombre. Il est d’une beauté impénétrable, ce qui me refroidit un peu.

Le charmant jeune homme porte une écharpe ce matin-là à 6 heures. Méditation autour de « l’arbre à Ganesh ». Cette promenade remplace le satsang du matin, les chants résonneront dans le sous-bois.
Nous serons de retour avant 7h30.

Les démarches d’inscription sont longues et laborieuses car il faut prouver que l’on est bien en règle au regard de l’immigration. Contrairement à Tiruvannamalai, ce séjour a un coût pour l’hébergement.

Confort minimum mais c’est propre.

Il m’attribuera une chambre individuelle, sans air conditionné mais avec un ventilateur plafonnier et une salle d’eau avec eau chaude. Le domaine ressemble à une propriété en restauration ; des parties aménagées, d’autres en construction, abandonnées ou en cours de démolition.

Mais l’ensemble est cependant très beau. Les magnifiques espaces verts dissimulent les bâtiments (réfectoire, salle de thé, dortoirs et chambres, boutique, halls des enseignements, temple de Kali, déesse de la préservation, de la transformation et de la destruction).

Certains sont à claire-voie et couverts de feuilles de palmes séchées, d’autres, de tôles ondulées ou de bâches tendues. Le Siva Hall où auront lieu mes séances de yoga et les conférences résonnera souvent en raison des courses poursuites des bandes de singes perturbant les activités et mettant à rude épreuve notre concentration.

Shiva Hall : ma salle de yoga et de conférences

Je trouve le groupe de résidents installés dans le Durga Hall où l’on prend le thé. On me salue et je réponds timidement. On m’invite à me servir et l’on me propose même un biscuit. Ici, deux groupes cohabiteront ; les « Yoga teachers’ training course » (formation de professeurs de yoga) et les « Yoga vacation » dont je fais partie. Je vous le dis avec insistance, je n’étais pas en vacances et ma semaine n’a pas été de tout repos !

Mes premières fois. La « Lecture » (conférence) d’une heure est un désastre. Je me retrouve avec six personnes au Shiva hall. Je ne comprends rien, tant à cause de l’accent anglo-indien que par le flot d’informations ; les mots, les idées et les phrases utilisés et leur assertion. Le « professeur » dispense un cours qui permet des échanges sur des concepts et des idées qui me sont totalement étrangères. Sans s’adresser directement à moi, il indique qu’une mauvaise posture empêche une respiration correcte. Et en effet, postures et respiration sont les conditions essentielles de la bonne pratique du yoga et de la méditation. Ça commence bien. Message reçu, je me suis redressé du mieux que j’ai pu tout en sachant que mon dos allait me faire mal. Je lui en ai fait la remarque après le cours et il m’a laissé bon espoir de me « corriger ». J’ai ainsi pensé que ces conférences quotidiennes allaient a priori être difficiles à suivre, voire insurmontables. Je posai déjà des obstacles, refusant toute théosophie mêlant religion, spiritualité et philosophie. La séance de yoga de 90 minutes me laissera haletant, douloureux et mouillé. Mon corps a été mis à rude épreuve. Douze postures se sont enchaînées ponctuées par de courtes pauses de récupération ; maîtrise de la respiration contrôlée puis alternée, salutation au soleil répétée dix fois, étirements, élongations, torsions, assouplissements, équilibres. Tout cela s’enchaînant à en perdre le souffle, mes muscles peu puissants ne me permettant pas de réaliser les postures de la roue ou du corbeau et ma colonne vertébrale peu porteuse pour réaliser le poirier ou la sauterelle. A la fin de la séance, il me restait moins de trente minutes pour me rafraîchir, me reposer et me changer avant d’aller dîner à 18 heures. Une quarantaine de personnes compose le groupe. La grande majorité est jeune et je suis sans doute le plus âgé. Parmi les jeunes en formation, je repère des Occidentaux. J’apprendrai par la suite qu’il y a une Brésilienne, une Kazakhe, un Italien et une Britannique. Dans mon groupe, je suis le seul Occidental mais cela évoluera au cours de la semaine ; une Russe arrivera puis un Américain.

Au déjeuner, riz sauté, papadum, salade de chou blanc et germes de haricots.
Près de la poubelle, les singes ramassent le moindre grain de riz.

Manger par terre avec ses doigts, assis en tailleur n’est pas chose aisée. Nous sommes les uns à côté des autres sur cinq rangées. Nous mangeons dans un silence relatif, certains chuchotent. Ça me va. Un plateau compartimenté en inox est posé au sol avec une portion raisonnable de nourriture. Le régime sattvique est lacto-végétarien. Les menus sont composés de produits frais non transformés, aucun aliment industriel n’est consommé : riz cuisiné de différentes façons, nature, sauté, en bouillie ou en une pâte compacte et collante. Il est accompagné de dahl, de sambar ou de rasam (légumes en sauce), de salades (chou, concombre, germes de haricots ou de soja), de légumes cuisinés à sec (okras ou gombos, pommes de terre, carottes, chou-fleur ou courge). On y ajoute parfois un peu de chutney. Le plat est souvent agrémenté de papadums (galettes frites et croustillantes). Il n’y a pas de fruits à 10 heures mais une banane pour le dîner à 18 heures. On nous ressert volontiers à la demande. Mon professeur de yoga dirige le service aidé des jeunes en formation. Cela fait partie de leur karma yoga, le don de soi par le travail désintéressé. Dès 18h30, je suis dans ma chambre, fatigué, prêt à faire une sieste mais je dois rester éveillé afin de participer au satsang de 20 heures à 21h30 : rassemblés dans Vishnu Hall, nous commençons par la méditation.

Vishnu Hall à 20 heures. Le satsang va commencer : méditation, chants, musique, lecture, réflexions.

Peu à peu, nous nous enfonçons dans la nuit noire dans le plus grand silence. Bien évidemment, je peine 1) à rester assis et immobile, 2) à focaliser mon attention sur mes sensations. Pour l’instant, mes sensations m’empêchent justement de méditer ; je suis mal installé, j’ai mal au dos et aux articulations des hanches, des genoux et des chevilles, des pensées ne cessent de faire surface et se télescopent. Je trouve le temps long, je ne sais pas ce que je fais là et je m’ennuie ferme. C’est ridicule. Et voilà que je pose tout en termes d’obstacles, je fais preuve de fermeture d’esprit, je rejette ce que je ne connais pas et ne veux, a priori, pas m’engager dans une nouvelle voie, difficile, d’accès. Le guru – que j’appelle Maître – fait soudain résonner le OM indiquant la fin de la méditation. Suivront une série de chants scandés dans un ordre bien défini ; le chant quotidien, la prière universelle de fin de cérémonie et entre les deux, d’autres chants que je tente de suivre dans le livret mis à notre disposition. Pendant près d’une heure, on entendra résonner tambours, tambourins, clochettes et autres instruments à percussions. Le guru fera ensuite une courte lecture qui permettra de faire germer une réflexion. Je reste étranger à tout cela et j’ai hâte d’aller me coucher. A 21h35, je dors profondément.

Tout est dit !

La routine. Les jours se suivent et se ressemblent. Ça pose des jalons. Je me repère mieux dans le domaine. Mais je ne suis pas connecté, je suis en dehors de la communauté. Je reste dans mon coin ne parlant que si l’on m’aborde. J’ai l’air sauvage, fuyant et il m’arrive de m’isoler dans ma chambre ou dans le hall quand il n’y a personne. Un étrange mal-être est en train de m’envahir faisant ressurgir mes faiblesses, mes craintes, voire mes peurs. Dès le lundi, j’ai envie de quitter l’ashram, ce que j’aurais considéré comme un échec. Je me ravise donc et me dis qu’il faut que je fasse des efforts. Je me mets alors au travail tête baissée et suis la routine sans me poser de question. 5h30, réveil suivi du 1er satsang à 6h00. Nous prenons le thé à 7h30. La séance de yoga – asanas (postures) et pranayama (respirations) – durera jusqu’à 9h30. A cette heure-là, j’ai faim et j’attends avec impatience l’heure du brunch. Nous avons observé un jeûne de 16 heures et ça sera comme cela toute la semaine.

De 11 heures à midi, c’est le karma yoga, le yoga par l’action, le travail désintéressé. On m’attribue le nettoyage du temple de Kali. Heureusement pour moi, cette tâche ne prendra que trente minutes et je retournerai me reposer dans ma chambre jusqu’à 13h30, l’heure du thé. Il m’arrivera de faire une petite sieste. De retour à Shiva Hall, j’assisterai à la conférence de 14 à 15 heures. Le guru conduira les réflexions qui deviendront de plus en plus intéressantes et qui susciteront ma participation aux réflexions et aux pensées évoquées. Je me surprends à être attentif. Puis, de 16 heures à 17h30, je participerai à la seconde séance de yoga. J’irai ensuite dîner à 18 heures, me reposerai jusqu’à 20 heures, heure du second satsang. A 22 heures, extinction des lumières. Je n’irai jamais au-delà, pris par le sommeil.

Que se passe-t-il ? Après mon passage à vide de lundi, je me suis ressaisi. Je me suis plus impliqué sur les événements de la vie quotidienne. Du fait de la régularité, cela m’a permis de me sentir plus à l’aise et enclin à faire des efforts. Je me suis donc appliqué : arrêter de me plaindre, mieux écouter ceux qui parlent, aller plus volontairement vers les autres, transpirer un peu plus au yoga, être toujours conscient de ma posture, me sentir soutenu par ceux qui m’entourent, essayer réellement de méditer, relâcher mon corps afin d’éviter les crispations et les tensions, causes de différents maux. J’ai tout-à-coup fait le lien entre les conférences, les cours de yoga et les satsang. Tout cela ne faisait-il pas un tout ? Une sorte de nœud en moi commençait à se dénouer, j’avais l’impression d’avoir trouvé le bout de la ficelle et tirer dessus me permettait de retrouver le chemin. Bien qu’encore timidement, je ressentais moins d’appréhensions. Je m’invitais dans différents groupes.

Chemin d’accès à Vishnu Hall à gauche et plus loin à droite, à Siva Hall.

Une vieille dame m’a abordé. Elle ne suivait aucun cours. Elle était juste là pour se ressourcer, s’échapper d’une vie sans doute trop trépidante pour elle. Son visage était extrêmement doux, le sourire qu’elle m’a adressé extrêmement chaleureux. Elle est venue vers moi en me saluant, me demandant mon prénom. Une façon normale de commencer, non ? Elle m’a dit venir dans cet ashram deux mois par an. A la fin du satsang du matin, on nous distribuait souvent une petite portion de cacahuètes, trois dates ou une douceur (une pâte sucrée de semoule avec des fruits ou des noix concassées) très bonne. Ces petits riens me réchauffaient le cœur, me faisant me sentir bien. Les jeunes recevaient ce petit bonus comme des enfants excités d’avoir reçu un cadeau. C’était un peu cela. Se contenter, accepter et apprécier ce que l’on nous donne. Petit à petit, je me suis mis à me tenir mieux plus longtemps assis en tailleur. Je m’en étonnais moi-même. Manger par terre ne m’incommodait plus, je résistais aux longues séances de méditation, mes postures de yoga s’amélioraient à tel point que le professeur m’encourageait à aller plus loin, à faire plus d’efforts, à avoir plus mal que ce que je ressentais douloureusement déjà. Mais j’y suis allé. En fin de semaine, il est venu vers moi plusieurs fois pour me dire que telle ou telle posture était parfaite. Je l’aurais embrassé. D’ailleurs, lors de mon dernier repas vendredi soir, à la fin de son service, je lui ai dit avec beaucoup d’émotions et du trémolo dans la voix combien j’avais apprécié sa manière de faire. Que je ne l’avais tout d’abord pas compris, pensant qu’il ne me prêtait aucune attention, mais qu’il m’avait poussé à aller plus loin, à oser faire et à me dépasser. C’est en fin de semaine que je participais aussi activement au déroulement du satsang, me joignant au groupe dans les chants et les rythmes. J’ai même dansé, invité par un jeune qui est venu me prendre par la main.

Dimanche 6 novembre. Vue sur les Ghats depuis un piton rocheux que nous avons escaladé.

Quel chemin avais-je parcourru ! Le Maître avait dit un peu plus tôt dans la semaine que ce qui rendait heureux était le chant et la musique. Oui, bien sûr, je le savais mais ne le vivais pas. Je n’y ai mis d’autres intentions que de me sentir bien, vivant, heureux même. J’y ajoutais un soupçon de spiritualité qui n’est en fait que le désir de s’élever un peu plus haut et d’aller au-delà de son corps physique. Car oui, j’étais heureux d’entendre la musique répétitive et entraînante. Oui encore, j’étais heureux lorsque je m’essayais, sans grand succès mais avec conviction, à chanter à l’unisson en frappant la mesure dans mes mains. Alors, mon corps, mon dos, mes articulations ne me faisaient plus mal. Ma tête restait droite, mes épaules basses et ma poitrine ressortie, tout comme on me l’avait demandé plus tôt dans la semaine, la respiration calme et régulière ; posture parfaite de l’apprenti yogi que j’étais devenu. Ces changements ont accru mon sentiment de réussite, ces réussites ont entraîné des émotions de bien-être et de bonheur. Et de fait, je me sentais heureux et empli de fierté. Fierté d’avoir tenu bon malgré mes doutes, d’avoir dépassé des limites que je m’étais toujours imposées, de me sentir inclus dans une communauté sans distinction ni préjugés, de me sentir heureux alors que ça n’était pas gagné à l’avance.

Fin de semaine, fin de retraite. Les vendredis sont libres de toute activité à l’exception des deux satsang. Pas de yoga, pas de conférence. L’ashram est calme malgré la tension qui grandit chez les jeunes. Le lendemain matin, ils passeront leur examen final. Une épreuve écrite sur la théorie, une épreuve pratique sur le yoga. D’ailleurs, tout au long de la semaine c’était un·e jeune désigné·e qui animait notre séance de yoga du matin. 11 novembre, jour célébré de l’Armistice. Ici, il fait gris et il pleut. Je m’enferme dans ma chambre, commence à rassembler mes affaires en vue de mon départ du lendemain et écris quelques notes dans mon carnet jaune. Puis, l’idée de rester enfermé me tracasse. J’enfile mon imperméable et je sors. Le long de la route, quelques camions passent. Des conducteurs de deux-roues se protègent la tête avec un mouchoir ; dérisoire pour se protéger de la pluie mais rigolo, d’autres me sourient au passage, certains même très franchement avec de grands signes de la main. Cette promenade d’une heure me conduit à une petite entreprise de vente de vêtements ; saris, écharpes, étoles, lunghis colorés à carreaux, dothis blancs et chemises. On ne parle pas un mot d’anglais. Je finis par acheter un dothis et une chemisette blanche, vêtement traditionnel que porte la caste des brahmanes. Que vais-je en faire ? Le satsang du soir m’a échappé. Terminant mes bagages, je n’ai pas fait attention à l’heure.

Le groupe de jeunes élèves-professeurs en fin de formation après le satsang du matin.

D’ailleurs, la cloche qui ponctue les journées n’a pas retenti. Je me suis rendu dans le hall vers 19 heures, l’endroit était plongé dans le noir et il n’y avait pas un seul bruit. Manifestement, les jeunes n’étaient pas là. L’heure de la méditation était-elle passée ? A y regarder de plus près et utilisant ma lampe torche, je découvre un endroit vide. Pourquoi ? J’en conclus que l’événement avait été annulé pour une raison qui m’échappait. De même le lendemain matin. Désireux de paresser dans mon lit, je me suis enfin décidé à aller dans le hall vers 7 heures. Comme la veille, le hall était désert. Je remarquai également que les jeunes étaient bien silencieux. Et pour cause, il n’y avait personne dehors à cette heure-là. Encore un mystère. Je me dis que j’avais probablement raté des informations la veille. Au moment de mon départ prévu à 8 heures, j’ai croisé quelques jeunes. Le stress était palpable. Ils passaient leur examen dans quelques minutes. Mais, me voyant la valise à la main, ils affichèrent un grand sourire et me souhaitèrent bon voyage.

12 novembre, Saint Christian. J’arrive bien trop tôt à l’aéroport et les formalités sont vite expédiées. L’embarquement est prévu à 10h40 et le vol est à l’heure. En prenant de l’altitude après le décollage, j’ai en mémoire mes impressions de la terre du voyage aller. Les champs deviendront un camaïeu vert de pièces de puzzle, la ville, les faubourgs et les villages ressembleront à des pièces de Lego agglomérées et les plans d’eau luiront comme des miroirs cousus sur les tissus rajasthanis. Tout cela disparaîtra et réapparaîtra au gré des gros flocons blancs que sont les nuages dérivant vers l’infini, se dissolvant et se reformant, devenant tantôt icebergs, tantôt crème fouettée. Mes pensées dérivent elles aussi laissant la place à des émotions mélangées. La tristesse d’avoir quitté l’ashram et la hâte d’être rentré, de retrouver Éric. La fierté d’être sorti de ma zone de confort et mon appréhension de retrouver celle que constitue mon quotidien. La joie et la mélancolie s’engouffrent dans ma gorge et se percutent au point d’y faire un nœud. Ah ! Si j’avais des larmes, je pleurerais ! Mais au bout du compte, je me sens détendu, en paix et heureux.

6 réponses sur “Om Shanti, Shanti, Shanti *”

  1. Et bravo à toi, pour ta persévérance et ta résistance. Bravo d’être allé jusqu’au bout. Bravo ! Je connais un peu le yoga de Shivananda pour avoir pratiqué dans leur centre à Paris. Maintenant, je crois que je ne peux plus ! Merci pour ce beau partage et pour ta sérénité. Bises. Patricia

    1. Merci Patricia pour tes mots, d’aussi loin que tu te trouves au Vietnam mais pas si éloignée que ça de l’Inde …
      Merci d’avoir pris le temps de lire et commenter mon article alors que tu parcours ce beau pays.
      Je pense que l’énergie, la force et la résistance qui sont en nous s’unissent quand on est « sur place » et que l’on a une pratique « intensive » du yoga. Lorsque l’on va dans un centre une à deux fois par semaine, ou lorsque l’on pratique chez soi, ce n’est pas pareil. La motivation, la persévérance, entre autres, n’opèrent pas de la même façon. En tout cas, pour moi, c’est ainsi.
      Bises et bonne continuation.
      Xtian & Éric

  2. Hello mon frère.
    J’ai eu plaisir à te lire même si nous avions longuement échangé par écran interposé dès ton retour de l’ashram ; Les photos qui accompagnent ton article font découvrir les lieux dans lesquels tu as évolué pendant « cette retraite » et nous permettent de t’imaginer sur place…
    L’extérieur semble luxuriant de végétation et d’une beauté assez magique; Que de vert ! Nous en manquons tellement ici, surtout en cette période de l’année et toute cette chlorophylle me fait envie!!!
    Je suis extrêmement heureuse de te sentir  » aligné  » ;
    Nous nous voyons dans quelques jours et cette idée me plait beaucoup; j’ai hâte…
    Bons baisers à vous deux

    1. Hey Sis,
      J’aime toujours te lire au fil des commentaires du blog. Et j’ai aussi hâte de te voir dans très peu de temps.
      Bons baisers d’un Chennai sous la grisaille, l’humidité et les averses de mousson.

    1. C’est aussi un dépaysement intérieur. En tout cas, l’expérience en vaut la chandelle ! C’est bon de se sentir zen … Désolé pour la réponse tardive, j’étais en France et nous rentrons juste de vacances passées dans le sud ouest de l’Inde, dans l’État du Kerala voisin, partagés entre plages et montagnes. J’en profite pour te souhaiter une excellente année 2023 et j’ai hâte de se retrouver bientôt. Bises,
      Christian

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