Sur la route entre Tiruvannamalai et Pondichéry, et à 147 km et 3 heures de voiture au sud-ouest de Chennai, Gingee n’a d’autre richesse que sa forteresse perchée sur cinq collines. Deux d’entre elles gardent des vestiges remarquables. Certaines dominent cette grosse bourgade de 50 000 habitants qui n’a aucun intérêt si ce n’est son activité commerciale effervescente. Les Français qui l’écrivaient Senji la conquirent en 1750 pour se la faire prendre par les Anglais en 1761. Fin de partie pour la France.

Cette forteresse qui date du XVIème siècle, comme on la voit aujourd’hui, serait bien plus ancienne et remonterait au XIIème siècle, à l’époque de la dynastie Chola installée sur un large territoire du sud de l’Inde. Le fort de Gingee comprend palais, salle d’audience, écuries royales, temples et mosquée, étables et étang aux éléphants, sanctuaires et magasins, mandapas, gymnase, greniers et réservoirs ainsi qu’une tour d’horloge apportée par les Français de Pondichéry. Il est entouré de remparts qui s’étendent sur 6 kilomètres. Il est environné d’un côté par la ville, de l’autre par la végétation et les rizières qui brillent au soleil. Le tourisme est local, fréquenté principalement par des Pondichériens. Il faudrait être bien curieux et avoir beaucoup de temps pour que les touristes occidentaux s’aventurent dans cette région. A la mi-journée, la chaleur nous obligera à nous charger en bouteilles d’eau et il faudra être prêt mentalement pour gravir les 400 marches qui mènent au fort Krishnagiri (une heure de visite avec l’ascension) puis les 1350 marches pour la citadelle Rajagiri (deux heures de visite dont l’ascension). Aux sommets, la vue à 360° est époustouflante, la campagne bien ordonnée, aux divers tons de vert, de brun et de jaune ; un pur ravissement. Oui, nous l’avons fait, il nous en a coûté mais cette excursion en valait la peine.

Les Maharajas Vijayanagar, qui régnèrent à Hampi, construisirent pour l’essentiel ce gigantesque fort perché majestueusement sur ces collines aux rochers fracturés, entassés les uns sur les autres comme s’il ne fallait qu’un souffle d’air pour les faire bouger, pour qu’ils roulent et s’écrasent sur les routes, la ville. Mais rien ne bouge depuis des millénaires. Ces paysages nous rappellent ceux de Hampi, chamboulés et hirsutes, laissant penser qu’au moment de la Création on aurait oublié de les ordonner en y ajoutant toutefois des touches de vert afin d’harmoniser une belle composition.

La forteresse, occupée plus tard par les Marathes, qui la décrivirent comme la forteresse la plus imprenable de l’Inde, fut reprise par les Moghols en 1698, puis par les Français pour un court temps pour ensuite tomber aux mains des Britanniques qui la surnommèrent la Troie de l’Orient. Définitivement abandonnée au XIXème siècle, elle sombrera, après les ravages de la guerre, dans la décrépitude. Depuis, elle n’est plus qu’un vestige, de belles ruines où les vents se font entendre entre les piliers de granit, sur les esplanades sans vie et les salles du trône et d’audience fantomatiques, oubliée le plus souvent, invisible même par les habitants de la ville qui ne lèvent plus les yeux pour en admirer l’ouvrage, comprendre son histoire, être fiers de sa grandeur et sa puissance passées, déplorer les guerres qui l’ont traversée avant de l’anéantir.

En contrebas, une des portes d’accès à la forteresse.
Ce site servit en de nombreuses occasions de décor pour des films. On n’aurait pas trop de mal à imaginer des scènes d’Indiana Jones. Un peu comme le grand désert de Wadi Rum en Jordanie qui servit de cadre pour la publicité des cigarettes M.

Bala nous y a conduits tôt un samedi matin. Nous étions contents de pouvoir enfin visiter cet ensemble que nous n’avions pu voir en 2020 au début de la pandémie. Plein d’enthousiasme, nous avons pris d’assaut la colline, nommée the English Mountain par les Britanniques et sur laquelle trône le fort Krishnagiri. Nous y accédons par la porte d’Arcot ou de Vellore. A 11 heures, il fait déjà chaud.

Nous avons entraîné Bala qui, pour une fois, a accepté de nous suivre. Mais lui, plus vite que nous malgré son plus jeune âge, a été essoufflé.


Au cours de l’ascension, plusieurs portes défensives nous ont permis de nous reposer à l’ombre et au souffle d’un vent frais.

Sur ce piton rocheux, l’ensemble architectural est impressionnant. Un beau mandapa (salle de danse et de musique) aux piliers sculptés, une salle du trône coiffée d’un bulbe et un temple s’enchevêtrent parmi d’autres édifices.




Il est ensuite temps de déjeuner. Nous aurons besoin de calories pour aborder la colline Rajagiri appelée St. George’s Mountain par les Britanniques. A l’extérieur de Gingee, nous choisirons un dhaba, sorte de relais routiers servant une nourriture simple, bonne et bon marché. Nous commandons chacun un riz biryani, l’un au poulet, les autres aux cailles. En sortant, la chaleur nous terrasse et nous faisons appel à toute notre énergie et notre volonté pour nous motiver. Bala, lui, déclare forfait en voyant les 250 mètres de haut de la colline.






Sa construction dure 57 ans, de 1957 à 2014.
En 2017, PSA achète la marque pour 11 millions d’euros.

Nous n’imaginions pas un tel site pensant qu’il n’y avait que la forteresse tout là-haut. Mais, passée la porte de Pondichéry, c’est tout un ensemble qui se découvre à nos yeux.


Les excroissances des banyans servent de lianes aux Tarzan et Jane.
Sur un parc de plusieurs hectares planté de gigantesques banyans, les ruines du palais excavé au milieu des années 70 avec son esplanade du trône, détruit lors de l’invasion moghole, s’étalent encore avec fierté. Le Kalyana mahal, tour pyramidale de sept étages réservée aux reines et concubines, les écuries royales, le gymnase, les greniers et d’autres bâtiments sont toujours debout.

La salle d’audience avec son gros boudin qui servait de dossier au trône.




Il faut monter maintenant. Le plus dur reste à venir et, sans trop y réfléchir, nous gravissons les volées de marches de granit inégales qui nous mèneront à grand peine au sommet. Au cours de la montée, les sept portes défensives seront autant de stations de repos pour reprendre notre souffle et soulager nos muscles des jambes. Plus haut, il faudra même que je m’allonge, mon cœur au bord de l’implosion !

Mais il faut y arriver ! Des enfants bruyants et infatigables nous dépassent, sautent d’une marche à l’autre, tels des cabris. De jeunes couples se tenant par la main discutent tout en montant énergiquement alors que pour Éric et moi, il nous est impossible d’échanger pendant notre ascension. Certains montent nus pieds mais la plupart portent des sandales, des savates ou des tongs.



Plus loin, un temple à droite et la mosquée à gauche ainsi que l’étang aux éléphants.

Quelques fois un chemin plat nous rapproche des remparts crénelés et de ce qui reste des tours de guet d’où nous pouvons admirer la ville et les cultures en contrebas, les collines et la campagne environnante et au loin, les paysages où se cache le mont sacré Arunachala qui surplombe l’ashram de Tiruvannamalai. Épuisés mais contents, nous regardons un groupe de jeunes filles. Elles apparaissent et disparaissent des ruines, entrant ici et ressortant là. Elles semblent vouloir aller toujours plus haut, laissant leur robe flotter au vent, leur bannière, leur étendard, agitée par cet Eole voyeur qui aimerait sûrement les leur arracher. C’est sur ces impressions et avec cette imagination débordante que nous reprenons le chemin de la descente. Elle ne sera pas aisée ; la fatigue, l’intensité de la journée nous motivent à nous reposer et nous laisser reconduire chez nous.

Installés à l’arrière de la voiture, bercé par la conduite de Bala, je laisserai les paysages défiler sous mes yeux au point de brouiller ma vue et m’assoupir. Éric sera dans le même état que moi.




Quelle belle bouffée d’air -frais- ?
Que de hauteur qui vous élève !
Les photographies sont magnifiques, les commentaires et observations ne le sont pas moins « my Dear Brother » Encore merci
Biz du niveau de la mer
Syl
Encore une visite bien agréable, puisque je ne suis ni essoufflée, ni en nage. Ca me semble une sacré expérience. merci pour ce beau voyage. Je vous embrasse.
Patricia
Retour après une semaine dans l’ashram de Madurai, celui-là même qu’en novembre dernier.
Bon, l’essentiel est que tu aies pris plaisir à la visite tout en te ménageant …
On t’embrasse,
Xtian
sacrée !