ps : Contact

A la demande – négligeable mais non moins importante – de certains d’entre vous, voici notre adresse. Comme il est bon de recevoir du courrier !

16/11, Rena Apartments

3rd Floor, Flat N°3A

Bishop Wallers Avenue West

Mylapore

Chennai 600 004

INDIA

Et maintenant, à vos plumes, chers Lecteurs ! J’adorerais lire du courrier venu des airs ! Vive l’aéropostale !

Et si jamais vous préfériez laisser un commentaire à la suite d’un article, il suffirait de cliquer sur le titre de l’article pour être dans la rubrique « commentaire ». Vous y verriez ceux déposés par les lecteurs de l’article en question, et en descendant vers le bas de la page, une ‘boîte à message’ apparaîtrait afin de déposer le vôtre. Voilà, vous savez tout maintenant ! À vos claviers !

Et si on faisait une pause ?

Krishna et Radha ou Radhakrishna

Il semble juste maintenant de vous donner quelques nouvelles très pratiques, toutes simples, toutes bêtes, sur nous, sur notre installation, sur ce que l’on peut observer et en dire, si tant est que cela puisse être intéressant ; vous en ferez ce que vous en voudrez ! Mais enfin, cet article aura le mérite d’exister et ainsi « on » ne me reprochera pas de m’éloigner du sujet en vous en rendant compte. Ce ne sera donc pas par égoïsme mais, au contraire, pour partager avec vous ce qui est, après tout, l’esprit de ce blog !

Éric devant un thalis du sud de l’Inde le 1er soir de notre arrivée à Chennai. Resservi à volonté pour 2,70€. On mange normalement avec les doigts !

Alors donc, un point d’étape s’impose au samedi 14 décembre 2019. Deux tours en voiture ont suffi pour emmener nos bagages et les nombreux sacs des récents achats de l’hôtel à l’appartement tout proche. Les jours précédents, Bala m’avait conduit partout. Chez Home Center, tout prêt à Alwarpet, pour les meubles du salon et de la salle à manger, mais aussi pour la verrerie, la coutellerie, les casseroles et autres popotes. Puis, plus loin à Anna Agar pour la vaisselle « classique ». Enfin à T. Nagar pour la vaisselle traditionnelle, en métal, celle que l’on utilise pour les thalis. Les supermarchés pour les produits de nettoyage et de premières nécessités dans notre quartier ont terminé les tournées … É-pui-sant !

Notre agent immobilier avait arrangé, la veille, un rendez-vous avec ACT Fibernet pour l’installation et la connexion internet ; c’est fait et ça fonctionne très bien. Le jour de notre arrivée dans l’appartement et après avoir une dernière fois tout vérifié avec le propriétaire, l’employé du gaz a apporté et branché notre bombonne (100 roupies de pourboire), l’inscription en ligne à la compagnie d’électricité s’est faite grâce à Senthil et j’ai attendu que l’on nous livre les meubles.

Au même moment, Éric devait assister à un événement dans une école très éloignée du centre de Chennai. Il est parti à 13h30 et est rentré à 21 heures et 3 heures de trajet dans les pattes ! Il a reçu en cadeau son 3ème châle « professoral » ! On ne va plus savoir qu’en faire ! Tout content de rentrer chez nous pour se vautrer dans un canapé ! Moi aussi, j’étais rompu. Chacun ses raisons !

Un mot sur la livraison. A partir de 11 heures du matin, j’ai reçu un grand nombre de textos du magasin m’informant de la livraison imminente que je pouvais suivre en ligne en temps réel (Ah ! les technologies avancées !). 13h30, quatre livreurs déposent les paquets dans l’appartement … trois petits tours et puis s’en vont ! Durée de l’opération : 5 minutes et 4 fois 50 roupies de pourboire. En effet, une deuxième équipe, celle des « menuisiers », a pris le relais à 15h30 pour monter les meubles et 2 fois 100 roupies de pourboire ; on s’arrête là pour aujourd’hui !

Un autre mot sur les menuisiers. Ils arrivent à moto avec leur gros sac, alourdi par les outils, sur le dos. Ils se déchaussent avant d’entrer dans l’appartement, sortent perceuses, tournevis et divers outils, et, assis en tailleur, assemblent les meubles. A la fin, prise de photos à partir du téléphone portable, envoyées aussitôt en « Haut Lieu » , puis me font signer du doigt l’écran du portable. On est constamment en balance entre tradition et modernité.

Ne reste plus que le nettoyage, et il y a à faire ! Heureusement, Kamala, la jeune femme de ménage a commencé dès le lundi qui a suivi. Elle est très jeune et très menue, a un visage expressif et des yeux « parleurs » qui compensent ce qu’elle ne peut pas exprimer en anglais. Il va falloir que nous y mettions tous les deux du nôtre pour communiquer. Mais ça va le faire ! Elle a deux jeunes petits garçons. Il lui faut plus d’une heure pour venir travailler chez nous, mais elle est contente car elle n’a pas retrouvé de travail depuis début septembre. Elle nous attendait avec impatience ! La voilà rassurée et « casée » pour un bon bout de temps. J’espère que nous pourrons la recommander au futur successeur d’Éric dans 4 ans car pour Kamala, travailler chez des étrangers signifie gagner plus d’argent que chez les Indiens mais surtout, être traitée avec dignité, sans violence ! Basse caste ‘oblige’ … On connaît l’adage selon lequel il vaut mieux être né riche et bien portant que pauvre et malade … Terrible!

À vos balais ! C’est une variété d’herbe séchée.

Il ne reste plus qu’à s’accommoder de notre nouvelle vie. Mais déjà, des ondes positives se ressentent lorsque l’on est chez nous, et moi qui y passe plus de temps qu’Éric, je m’y sens bien. Lumière, espace, zénitude. Bien sûr, il y a encore à aménager, décorer, personnaliser, faire en sorte que ce lieu soit le nôtre pendant le temps où nous y serons. Mais on est contents d’être là.

Assis sur un canapé, mon regard s’envole. Le linge flottant au vent sèche pour la première fois sur le balcon et je vois les derniers étages et les grandes lettres, rouge le soir, de l’hôtel SAVERA.

A ce jour, nous n’avons toujours pas notre carte d’identité indienne. J’ai déjà fourni trois fois à la personne qui s’occupe de notre dossier au consulat de France à Pondichéry les copies de mon passeport et de mon visa d’entrée. Notre demande de visa n’est même pas encore faite et nous ne serons donc pas en France pour les fêtes de fin d’année. Éric sera en formation à Delhi le 2 janvier prochain. Nous avons donc décidé de rester à Chennai autour de Noël, sans projet particulier si ce n’est que d’être ensemble, puis nous attraperons un vol pour Delhi le 31, histoire d’être « à la capitale » pour la nouvelle année, avant « d’attaquer » ladite formation pour l’un et le tourisme pour l’autre. Nous passerons ensemble la journée du 4 janvier pour visiter peut-être le fameux temple Sikh ‘Sri Bangla Sahib Gurudwara’ datant de 1783. Nous prendrons un vol pour « redescendre » à Chennai le dimanche 5 janvier.

Voilà, vous savez tout pour le moment, et vous voyez, on n’est pas – trop – malheureux !

On vous embrasse. NAMASTÉ !

Boucle Blanche et Neige d’Or

Résumé de l’épisode précédent … Après deux semaines de recherche active, début novembre, Blanche Neige et Boucle d’Or s’impatientaient, l’un toujours à la recherche de la perle rare, l’autre toujours sur les routes de cette ‘Terra Incognita’. Le château n’était pas en encore vue.

Non, pas celui-ci !

Or donc, sans le savoir encore à ce moment-là, Boucle Blanche et Neige d’Or allaient finalement loger en un palais qu’ils avaient déjà visité et qui répondait à leurs nombreuses exigences. Mais à ce jour, on en était toujours au même point à cause de Celui-qui-fait-le-difficile, Celui-qui-rechigne, Celui-qui-fait-des-chichi-tralala, parce que pas assez ceci, ou pas assez cela, ou encore trop comme ci ou trop comme ça, toujours au fond, avec un quelque chose qui ne va pas ! Brise Blanche et Nuage d’Or, disais-je, avaient visité ce même appartement deux semaines plus tôt, mais le Gros Gourmand avait décliné leur offre. Souvenez vous de ces propriétaires aux ventres larges et rebondis, pas seulement à cause de la riche nourriture et des sucreries, non, rebondis parce qu’ils y enfouissent des Gros Sous en espèces trébuchantes.

Alors … Heureux ?

Cependant, entre temps, n’ayant pas trouvé de pigeon, il réfléchit et revint vers Brise Glace et Trouble Merle acceptant l’offre de départ de 1 Lakh, 100 000 ₹, l’air de rien, comme s’il leur faisait une faveur. Je vous laisse faire le calcul, chers Lecteurs , c’est hallucinant !

Et comme rien ne vient sans mal, Glace Brisée et Merle Troublé durent affronter les méandres des systèmes bancaires. Madame leur Conseillère eut bien du mal à faire voyager une somme rondelette (n’oubliez pas dans vos calculs, les cinq mois de caution ainsi que la commission du Parukar, l’installation et la connexion Internet, l’abonnement au gaz, le compteur électrique ; toutes les facilités des temps modernes) depuis leur petite agence rurale jusques en Inde. Son pigeon voyageur ne tint pas la distance, pauvre bête ! Sortie des formulaires battus, la Madame ne sut plus comment procéder ! Et vas-y que je t’en réfère au Service International du Haut Siège et vas-y que je te prends au passage une coquette commission, et vas-y qu’il faut augmenter le plafond. Mais arrêtez, c’était leur plafond qui avait bien failli exploser !

La date de la signature approchait. Brise Glaçon était reparti à Pondichéry- chéri, tu parles ! Cendrill’Or, pauvre Staff member ne pouvait pas faire grand-chose à part en arriver aux mains (une façon de parler) avec le Supérieur du Dépôt de Billets. Il lui hurla dans les tympans à travers le combiné que ces communications téléphoniques allaient coûter une blinde et qu’il ne voyait toujours rien venir sur les rives du golfe du Bengale …Toujours pas d’espèces clinquantes dans l’escarcelle de Boucl’Orage.

Et puis enfin, Ô miracle !  Madame la Conseillère trouva le moyen d’envoyer les 10 000 (qu’avait-elle compris ?) que Boucle Rage avait demandés. Sauf que Madame, enfermée dans Les Petites Procédures, transféra 10 000 ₹, soit … 128€. Il en fallait 70 fois plus pour pouvoir apposer le sceau royal sur le bail du Prince. Cendrinage était fou de rage !

La bourse arriva la veille au soir de l’heure convenue et, de retour de Pondi-chéri, Belle Boucle d’Or put verser toutes ses roupies dans la besace de Monsieur-le-ventre-rebondi le samedi matin. Ouf ! Il était temps ! L’appartement était à lui … et un peu à l’autre aussi !

Bail officiel signé entre M. Renganathan, bailleur (Lessor) et Éric, locataire (Lessee)

Ces élans du cœur passés, soyons plus sérieux et revenons sur ce qui Vous intéresse, chers Lecteurs. Vous vous impatientez, vous avez bien raison et vous allez me demander que je vous décrive notre palais, n’est-ce pas ? Et bien voilà …

Trajets entre Savera Hotel et notre appartement « Bishop Wallers Av. West.
Le point rouge est le Bureau de France.

Il était une fois, un château nommé Rena. Rena se trouvait à C.I.T. Colony dans le quartier de Mylapore (prononcer Maïlapor), C’était central et non loin de Marina, la très longue et belle plage bien polluée ! Les environs étaient calmes ainsi que les rues alentours. Peu de chiens errants et peu de carrosses encombraient la chaussée. Le palais de marbre beige, lumineux et aéré, était en haut d’une tour de trois étages et dans laquelle résidaient d’autres pigeons (deux coréens, un japonais et un indien). L’immense terrasse de toit offrait une vue merveilleuse sur ‘notre’ hôtel Savera et se prêterait à des fêtes dignes de leur rang. Et ainsi, ils restaient dans le quartier de leurs amours du premier jour vraiment non loin du Bureau de France ! C’était inscrit sur les Tables !

Pour être plus précis, c’était un petit palais de 180m2. L’espace de vie en L était très spacieux. Le living ouvrait sur un petit balcon agrémenté de plantes ; la vue sur les communs en face n’était pas terrible. Les larges French windows du dining ouvraient sur un plus grand balcon orienté vers la rue. La vue était dégagée au-dessus d’une végétation luxuriante. Mais cette pièce avait l’incongruité d’avoir un réfrigérateur installé là, comme c’est souvent le cas en Inde (Celui-qui-critique-a-encore-médit). Autre particularité, l’on trouvait un lave-mains dans cette pièce. Parce que l’on mangeait traditionnellement avec les doigts dans cette contrée, il fallait pouvoir se les laver dès la fin du repas. Ce faisant, les invités n’utilisaient jamais, oh non jamais, les parties privatives de leurs hôtes.

Les trois chambres avaient chacune leur salle de douche, à la mode italienne et entièrement carrelée. La plus grande, la master bedroom, était destinée aux Maîtres. On aurait pu ranger un tigre dans les placards. Une chance pour Brigitte Monroe qui avait des vêtements pour toutes les  occasions, Poum, Poum, Pi-dou … Cendrian trouverait-il une petite place pour son maigre ballot ?

Autres commodités, les fenêtres étaient équipées de moustiquaires, les plafonds de ventilateurs à quatre pales et aux murs, des machines qui servaient à rafraîchir l’air. N’était-ce pas merveilleux ? Dans la cuisine, un purificateur d’eau permettrait de laver les fruits et les légumes avant la cuisson et leur consommation. Mais il leur faudrait encore investir dans une fontaine à eau à boire et un purificateur d’air pour les pièces principales. Tant de nouveautés ! Mais rien ne serait de trop pour le bien-être et la santé de nos deux Princes !

Oh ! Gosh ! Encore un détail ! Une petite niche creusait le mur de l’entrée. Ils y installeraient un miroir qui accueillerait, selon la tradition, les visiteurs en signe de bienvenue et de prospérité ! Ce serait chose faite dès que possible !

Narrateur : Vous aurez compris, bien chers Lecteurs, que nos deux stars, Brigitte Monroe et Marilyn Bardot attendent de plonger dans cette nouvelle étape de leur vie avec Impatience, ajoutée d’une bonne dose d’Excitation et d’un soupçon de Nervosité. Nos trois Furies sont de retour !

FIN

En voiture avec Bala

Bala est le 2ème adulte en partant de la gauche.

Bala est notre chauffeur depuis une semaine. Il a créé son entreprise, « Divya Cab » pour laquelle il a investi ses économies dans l’achat d’une Toyota Etios, berline assez banale mais confortable, fabriquée en Inde. Il travaille pour nous à plein temps. Mais Bala a des idées, des projets en tête, des objectifs ambitieux à long terme. Lorsqu’il pourra faire prospérer son entreprise, il achètera d’abord un, puis plusieurs véhicules. Il embauchera des chauffeurs et lui, administrera et gérera son entreprise en chef. Il est fatigué de conduire, de conduire à Chennai, d’attendre dans le véhicule pendant des heures et travailler pour un patron. Pour l’heure, il se dit satisfait d’être à notre service. A l’acquisition de son véhicule, il nous a envoyé une photo de la bénédiction. Touchant.

Il est difficile de donner un âge à Bala. Il a entre 32 et 40 ans, peut-être. Il est marié et père de deux enfants. Il n’est pas végétarien et consomme de l’alcool pendant son temps libre. C’est un bon vivant. Et comme beaucoup d’hommes mariés, Bala a déjà un peu d’embonpoint mais il le porte encore très bien. Sa jeune femme ne travaille pas ; elle s’occupe de la maison, des enfants et des parents de son mari, comme le font la plupart des femmes indiennes mariées. Son visage et son maintien sont aussi doux que ceux de son mari. Ils forment un beau couple. C’est une belle famille. Je le sais parce qu’elle est en photo sur l’écran d’accueil de son portable. Il est extrêmement bien soigné ; chemise fraîchement repassée tous les jours, pantalon propre et il est rasé de frais. Son allure est impeccable. Son sourire montre de belles dents blanches.

Bala posant devant sa voiture sur le parking de Savera.

Bala est une personne posée, réservée, réfléchie. Il sait quelle est sa place dans sa voiture. Lui au volant, il conduit les « Sirs » selon l’itinéraire imposé par les besoins du service. L’un s’installe à l’arrière. Il travaille, se repose quand il le peut. Il a besoin de place pour étaler les rapports de service à lire, écrire les messages à envoyer, noter les mémos dans son agenda, ses dossiers éparpillés sur la banquette. L’autre, dilettante, sans statut hiérarchique, s’installe toujours à côté du chauffeur. Ils peuvent ainsi parler plus aisément pendant les trajets. Appelons cela un contact de proximité.

Bala s’exprime posément. Son anglais n’est pas toujours facile à comprendre. D’abord parce que l’accent, l’intonation et le rythme de la langue anglaise sont marqués par ceux du tamoul. Le débit est rapide, les « r » roulés, les expressions vieillies, datant peut-être de l’époque coloniale. Ensuite, et cela se comprend, son niveau d’anglais est assez élémentaire. Mais il parle avec fluidité et nous communiquons bien. Ce que j’aime chez Bala, c’est sa discrétion. Il ne parle pas pour ne rien dire, pour remplir un espace vide que beaucoup trouvent gênant. Il répond à mes questions et à ma curiosité à propos de telles ou telles choses sur la ville, des quartiers, des habitudes, des comportements. En général, il m’informe lorsque nous changeons de quartier, comme pour m’amener à prendre mes nouveaux repères. Il m’indique également les directions que nous prenons, comme pour m’amener à me situer dans l’espace de cette mégalopole. Mais jamais rien de personnel. Cela serait jugé déplacé, je suppose. J’aime ses petits sourires francs lorsque je lui fais remarquer des comportements de mauvaise conduite et sur le fait qu’il faut avoir les yeux grands ouverts et les réflexes rapides. Je crois qu’il apprécie l’intérêt que j’ai à comprendre les choses, le plaisir que j’exprime à ce que je vois. Et oui, c’est vrai, je suis sincère lorsque je suis avec lui. Je crois que nous nous apprécions.

Nous parlons calmement. Il me semble que nous nous ressemblons un peu. Nous ne sommes pas expansifs. Il nous arrive fréquemment de rester silencieux au cours d’un long trajet sans en être gênés. Bala a une conduite souple et fluide, n’actionne que de temps à autre mais inévitablement, le klaxon. Il sait prendre sa place dans le flux de la circulation. Moi, j’observe, j’absorbe tout sur notre passage, parfois prenant des photos. Je me sens bien avec lui. Je suis toujours détendu à ses côtés.

Bala répond à toutes mes demandes bien que je ne sois pas exigeant ! Un jour, je souhaite découvrir la ville, Bala me propose un tour. Un autre jour, je veux faire des courses mais ne sais où aller, Bala me conduit dans de bons magasins. Il connaît la ville comme sa poche, et comme tous les conducteurs, y compris de rickshaw, il est connecté ! C’est bon de se laisser guider !

Vue sur Chennai depuis le Mont St Thomas. Au premier plan, la ligne de métro reliant l’aéroport au centre ville

Dans mon fauteuil

Ce matin, après mon petit déjeuner, installé dans un grand fauteuil, je me sens bien. Je lis le New Delhi Times distraitement. Je me laisser aller, entre méditation, contemplation et détachement, je lâche prise. Peu à peu, mes idées suivent leurs propres cours, ma vision n’a plus de focus. Tout devient fugitif, je ne retiens rien, tout s’en-fuit. J’ai tout de même assez de conscience pour actionner mon portable qui capturera les quelques images, témoins de ce long moment.

Dans un fauteuil du grand salon, je sombre petit à petit, englouti par le moelleux des coussins. Je me sens enveloppé dans un cocon confortable qui m’enferme. D’abord, rien ne se passe. Je suis comme en état végétatif dans lequel je n’ai ni énergie, ni volonté. Mon esprit flotte dans mon corps en guimauve. Je suis mou et je me plais ainsi. Je n’entends plus les bruits, les conversations et la musique d’ascenseur que de très loin.  Ma vue se dédouble, comme si je louchais. Mon regard est fixe comme celui d’un illuminé.

Lentement, mon regard s’accroche ça et là à des situations proches de moi. Je les vois de l’intérieur, de derrière mes yeux, comme dans un rêve éveillé. Elles sont fugaces. Mon fauteuil m’enveloppe toujours plus entièrement, il m’absorbe. Je fonds, au fur et à mesure que le temps passe, sur le tissu de velours à motif à fleurs stylisées. Je ne vois que ce qui traverse mon champs de vision. Les clients quittent la salle du petit déjeuner, les enfants sautillent autour de leurs parents. Beaucoup ont un portable collé à leur oreille. Certains s’assoient sur les fauteuils et les canapés tous proches. Un va-et-vient incessant passe devant mes yeux. Cependant, tous ces bruits sont silencieux à mes oreilles, je n’entends ni ne suis plus dans cette réalité-là. Je pénètre une autre sphère, je suis dans une bulle.

Mon fauteuil devient mon centre de gravité. Je distingue des employés, grimpés sur des escabeaux ou assis par terre en tailleur. Ils préparent le grand hall pour Noël. Ils accrochent les guirlandes lumineuses le long des colonnes, installent les voiles et les rosaces illuminées de fausses branches de sapin au plafond, décorent le grand sapin de plastique vert. Ces jeunes sont discrets au milieu du flot de clients qui ne les remarquent même pas. Ils installent, nettoient derrière eux et disparaissent. Tout est beau, tout est propre, tout est lisse. Le hall se pare pour les fêtes. Y aurait-il un anachronisme dans tout cela ? Les mariages hindous se succèdent dans cet hôtel. Les mariés et les invités arrivent et sont accueillis selon la tradition, en musique et en danses, où trône un sapin, une crèche et des guirlandes vertes aux lumières blanches. Ça ne gêne personne, ça ne choque pas. Ce qui compte, c’est que ces décorations marquent la fête, leur fête !

Depuis mon fauteuil, je fais un rêve éveillé. Je rêve que nous sommes installés dans notre appartement, que nous avons reçu nos papiers d’identité et nos visas, que notre déménagement est arrivé chez nous. Tout simplement.

Depuis mon fauteuil mon esprit divague, mon esprit voyage à l’intérieur de moi, à l’extérieur de tout, un peu évaporé, ma voie lactée. Je laisse donc aller toutes mes idées fugaces, mes pensées filantes, mes envies dans cette nouvelle vie, guidé par ma douce rêverie.

Depuis mon fauteuil, je voyage de Chennai en Normandie. Je voudrais me poser, enfin reposé pour vraiment voyager.
Ça ne sera pas en cette fin d’année car Chennai veut nous garder.

Ambiance d’un dimanche

Depuis la fenêtre, je regarde tomber la pluie. Cette saison est terminée. Ce ne sont pas des pluies de mousson comme il y paraît. La tempête, elle ne durera pas très longtemps ; une nuit, quelques jours tout au plus. Elle ne sera pas violente. Mais l’eau s’accumule le temps d’une trombe et de tout inonder. C’est à peine pour perturber la circulation, les allées et venues dans les rues. Peu de parapluies, de vêtements de pluie. Ici, on se rafraîchit et on sèche vite !

Il est 18 heures. Au bord de la piscine, je laisse la pluie éclabousser mes pieds. L’air est chaud et humide. Tout est en suspens. Je n’ose l’affronter. Mais l’on sait ici que cette eau est indispensable, vitale même. Et tous s’en réjouissent.

Il ne reste que quelques flaques à certains endroits. Suffisamment pour que les chiens viennent y boire et pour laver les trottoirs.

Pothys Boutique

T. Nagar est un quartier animé, populaire et mélangé dans lequel je me suis rendu pour y chercher des meubles. Un marché-aux-puces-bazar-souk, constitué de petites échoppes, de vendeurs de fruits, de fleurs, d’objets en tout genre, des « foires à tout », a pris place sous l’auto-pont. On y trouve également des restaurants, les joailliers avec « valet parking », et d’innombrables magasins de vêtements. Le jardin Panagal, un pauvre poumon cancéreux au cœur de ce quartier, était fermé au public ce jour-là pour  travaux. Des ouvriers pataugeaient pieds nus dans l’eau des canalisations en réfection. A l’opposé des commerces, un établissement scolaire secondaire grouillait d’élèves qui se pressaient à la sortie des cours. Ils portaient l’uniforme et certains étaient pieds nus. Un quartier comme tant d’autres à Chennai.

Ce pour quoi j’avais fait le déplacement …
… là où je me suis rendu !

Pothys, était-ce bien cela ?, m’était recommandé par l’un des managers de l’hôtel. A l’évidence, rien à voir avec ce que j’étais venu chercher puisque qu’il s’agissait d’un magasin de vêtements – il faut traduire par « un magasin qui vend des saris ». Mais moi, enfin, je cherchais des meubles ! Pourquoi m’avait-il envoyé dans cette boutique ? Allais-je acheter des saris ? Pour en faire quoi ? Malgré tout, je décidai d’y rentrer et voir de mes propres yeux.

Pothys. L’antre, la caverne d’Ali Baba, la tanière aux lionnes, le sanctuaire aux mille déesses, le temple de la soie et du vêtement « ethnix », traditionnel. Alors là, mes aïeux, j’en ai eu pour mon argent ! La course en rickshaw en valait la peine ! J’y suis entré et en suis ressorti deux heures plus tard ! On m’y a vu écrire dans mon petit carnet vert, prendre des photos, observer les clientes, les yeux écarquillés, pendant de longues minutes, comme ensorcelé. Ces rayonnages hauts en couleurs étaient si beaux ! Imaginez le Printemps et les Galeries Lafayette à Paris, boulevard de la Chaussée d’Antin ! Entre les femmes qui ne regardent pas à la dépense et celles qui cherchent les bonnes petites affaires, désireuses et même déterminées à trouver la perle rare, la nouveauté, l’unique occasion à ne pas manquer, la tenue de rêve qui fera mourir de jalousie la meilleure amie ou la rivale et fondre de désir le mari, l’amant secret ou le « régulier », nous étions dans le même monde ! Chez Pothys, les femmes se pressent sur 5 étages à la recherche DU sari. Rangés dans différentes sections, ils sont de toutes les occasions : Collections nuptiale (bridal), de mariage (wedding), de fiançailles (engagement), party sarees pour les fêtes, reception sarees pour les réceptions, gift saris à offrir. Ils sont de toutes les matières et textures : soie, coton, soie et coton, soie et satin, soie et lin, soie d’été, georgette (crêpe transparent), brocart ou brocart tissé. Il y a les Silver Jari, les Pure Jari, les Vastrakala Pattu, les Jute silk … Arrêtez ! Ça me fait tourner la tête ! Ne me demandez pas ! Je ne sais pas. Mais les noms, ces mots inconnus, leurs sonorités me fascinaient ! Je les ai lus à haute voix, m’écoutant les prononcer ! A me voir, on a dû me prendre pour un doux-dingue !

Derrière les longs comptoirs en bois recouverts de tissus blancs, les hommes vendaient.  Au service des femmes de tous les âges, ils montraient, expliquaient, conseillaient, déployaient, repliaient et remettaient dans les rayonnages, en experts. Ils présentaient les saris, les entassaient les uns sur les autres, pour beaucoup rejetés négligemment, dans l’indifférence, par des femmes qui voulaient en voir d’autres et de plus beaux. Elles exigeaient des couleurs lumineuses, des teintes harmonieuses, des motifs parfaits. Je m’extasiais ! Assis sur une des chaises à disposition de ces dames, j’observais. Je demandais de temps à autre l’autorisation de prendre des photos mais n’osais lors des essayages. Chez Pothys, pas de cabine mais de grands miroirs en pied qui reflètent à l’infini ce jaillissement de couleurs et de douceur sur les peaux sombres. De jeunes « essayeuses », comme je les nommais, entraient alors en scène dont l’unique fonction était d’habiller les dames. Et avec quelle technique ! Sans être véritablement porté, le sari était ajusté sur la cliente afin de lui donner une vision réaliste. Après avoir déployé les 5,30 mètres de tissu, l’employée formait d’une main experte les quelques plis sur une épaule, puis abaissait le bras de la cliente afin de maintenir le sari. Ensuite, ramenant de derrière le tissu au motif différent vers l’avant, elle couvrait l’autre épaule et marquait l’encolure en V sur la poitrine. Ce faisant, elle effleurait inévitablement le sein de la docile cliente. Elle plaçait enfin l’autre bras contre son corps afin de maintenir le vêtement, la manipulant comme on habillerait une poupée. Face au miroir, la « poupée » jugeait sa nouvelle tenue, heureuse ou dédaigneuse. C’était extraordinaire ! Hypnotisé devant un miroir, j’assistais ainsi aux essayages sous le regard de ces femmes qui ne s’occupaient pas de moi mais se savaient observées. Je me régalais. Moi, voyeur ? Non, pensez-vous !

Le rayon hommes était plus sobre ; des costumes traditionnels de mariage sur des portants, sur des mannequins. Les vendeurs me suivaient mais ne se ressemblaient pas. Ils m’auraient vendu n’importe quel costume ! On en trouvait également de coupes occidentales à la touche indienne. Un jeune homme en essayait un bleu ciel. Et il portait des sandales !

A quelques pas de chez Pothys, une enseigne concurrente m’a attrapé. Mais j’ai tenu bon ! Cela aurait pu être interprété comme un fantasme fétichiste. Je suis donc rentré à Savera.

« Aux soies de Chennai », Tout compte fait, les trois mannequins en vitrine ne portaient pas de sari …

La couleur a une odeur

La couleur de ma pinte de bière. Jaune.

Jaune. Orange. Œillets d’Inde, fleurs comestibles. Près des temples, les étals regorgent de fleurs. Vives et habiles, les femmes les assemblent en de belles guirlandes. Dans les temples, en colliers au cou des divinités, Vishnu, Ganesh et les autres, aux calandres des véhicules, les fleurs sont partout. Rideaux de fleurs dans les salles de mariage, en pampilles le long des colonnades, elles sont le symbole des festivités. Linceuls. Fleurs jetées à la volée sur la chaussée, dans le tohu-bohu, au passage du convoi mortuaire, elles revêtent un caractère sacré.

Rouge. La douceur de la rose et la couleur puissante du sang. C’est le bindi, le troisième œil mystique, symbole de la bonne conscience, de la bonne fortune et des festivités. Elle marque le front des hommes, des femmes et des enfants. C’est aussi la couleur prédominante du madras, du piment, de la pomme grenade et d’une variété de bananes.

Détail d’un sari ou saree, motif madras

Blanc. Jasmin, petites clochettes odorantes, vasques de pureté. Dans les cheveux des femmes en saris colorés.

Les fleurs ont une odeur. Acre, forte et douce à la fois. Enivrante et entêtante. Elles recouvrent les odeurs de la vie pressée, de la rue et du bruit, de la crasse et de la misère. L’odeur de ces couleurs adoucit la vie, la rend plus gaie, belle et chatoyante. Elle chasse ce qui est gris.

La cuisine a des couleurs. Rouge. Odeur du piment, de la tomate et de la pomme grenade. Blanc. Odeur du lait de coco, du riz basmati et du yaourt pour tandoori. Orange, Odeurs du curcuma et du cumin pour biryani, couleur du safran. Des couleurs qui sentent bon.

Les couleurs ont des odeurs, des odeurs qui se mangent.

Water

Ce matin, j’ai nagé longueurs après longueurs, tout seul dans l’eau.

Les reflets mouvants du soleil sur le fond bleu de la piscine, la conscience de mon corps que je ne voyais pas et les mouvements réguliers de la brasse m’ont rappelé les piscines aux lignes brisées, inondées de lumière crue et les corps, parfois nus, chez David Hockney.

Je n’ai ressenti aucune fatigue, je n’ai pas manqué de souffle et j’ai fait le compte, un peu par orgueil. Aujourd’hui, j’ai arrêté après 40 longueurs et 40 minutes. J’ai accompli mon activité quotidienne. J’étais content, détendu. Je me sentais bien.

Direction la douche ! Un jeune surveillant de baignade, bienveillant et attentif m’a suivi dans les vestiaires, est entré dans une cabine de douche et, tournant le robinet d’eau, m’a dit : « Water is not coming, Sir ! ». Moi, déçu : « Oh ! I cannot take a shower then ! ». Il a continué : « Come to the gym, Sir ! ». Voilà un ordre qui me plaisait. J’allais pouvoir me laver.

Et au moment où, enfin sous la douche, j’ai actionné le robinet, anticipant avec plaisir la douceur brûlante et tonifiante de l’eau, un jet couleur rouille m’est tombé sur la tête !

Il ne me restait plus qu’à prendre une douche dans ma chambre et me sécher avec une serviette propre … et blanche ! Je vous rassure !

Boucle d’Or et Blanche Neige

Il était une fois Boucle d’Or et Blanche Neige qui étaient perdus dans une ville nommée Chaïnne, grande, laide et hurlante. Ils ne savaient pas où aller, comment se repérer, trouver la bonne maison. Ils étaient contrariés, impatients, fatigués ! Un jour, une gentille personne recommanda un courtier pour les aider. Ils étaient enfin rassurés. Le courtier, புரோக்கர்(Purokar, en tamoul, proche de broker, en anglais) s’appelait Senthil. C’était un jeune homme très sympathique qui les guida et leur proposa des visites. Mais voilà, rien ne convenait. Comme cela était frustrant ! Pourtant il fallait faire vite ! Ils ne voulaient pas vivre plus longtemps dans les hautes tours de Savera ! Malheureusement, Boucle Neige travaillait du matin au soir et n’était que très peu disponible, quant à Blanche d’Or, que des méchants appelaient « domestique », il ne pouvait rien faire. Senthil le Purokar était très gentil. Il réfléchit tout en lustrant son cellulaire, sourit et accepta de l’aider.

Un jour, ils visitèrent quatre appartements. Ils étaient tous très grands, comprenaient 3 chambres et 3 salles de douche, avaient l’air conditionné et des ventilateurs au plafond dans toutes les pièces. Les cuisines étaient équipées et il y avait même des arrières-cuisines, petites pièces d’eau pour les « personnels de maison ». Les immeubles étaient sécurisés et gardés. Et ils étaient surtout très chers. Waouh ! Wow !

Non, faut quand même pas exagérer. Ce n’était pas grand comme ça !

Le premier était proche du travail de Boucle Machin, mais il était assez minable. Le second avait 4 chambres, c’était vraiment très grand. Les troisième et quatrième se situaient en un même lieu inconnu, au nom si étrange de Nungambakkam, à 30 minutes en carrosse du travail de Boucle Machin. Le troisième était très bien mais trop cher. Le quatrième était très bien aussi mais il y avait un terrain de basket public juste à côté et les « boum-boum » des ballons à longueur de journées, Blanche Truc ne pourrait certainement pas les supporter ! Ils rentrèrent fort déçus !

Phonologie pour les Nuls

Alors, le Purokar – prononcer « p » comme « b », « u » quasi muet, « r » roulé, « k » très appuyé et « a » comme schwa [ə] – leur fit visiter deux autres appartements quelques jours plus tard. Le premier était assez quelconque et le second, très bien mais très vide, jouxtait un temple de prières dans un quartier assez moche. Les grandes illuminations, Boucle Blanche ne pourrait certainement pas le supporter non plus ! Ce fut alors une nouvelle déception mêlée d’une frustration grandissante.

Pendant ce temps, broker et propriétaires chennaïtes n’y allaient pas avec le dos de la cuillère. Les deux compères, Bouche Truc et Branche Machin étaient de bons poissons à manger ! Pensez ! Un mois de commission pour l’un, entre 100 000 et 120 000 INR (Indian Roupies), soit 1 Lakh à 1 Lakh2 (1200 à 1500 €) charges comprises, de loyer pour les autres. De plus, ces derniers réclamaient 6 à 10 mois de caution ! Alors là, c’était 600 000 à 1 000 000 INR, soit 6 à 10 Lakhs, soit 7600 à 12600€ … Oh ! My Gosh ! Bruce Touche et Branle Malin en avaient la tête qui jouait un remake de L’Exorciste ! Rien que cela, ma petite Mère, mon petit Père ! Et oui, India était un pays émergeant vraiment gourmand !

Money, Money, Money, Must be funny, Always funny, In the rich man’s world !

Narrateur : Désolé, je ne suis plus en mesure de donner suite à cet épisode actuellement … Merci de rester connectés !